Avec l’indigeste Like a Hobo, le dispensable Charlie Winston romantisait un mode de vie inconfortable – le vagabondage n’est pas qu’ode à la liberté, rencontres au coin du feu et rêveries ferroviaires – néanmoins riche d’un folklore bariolé, porté par des auteurs tels que Steinbeck, London ou Kerouac, qui trouve son prolongement au travers des (super)tramps, hippies et autres zadistes et ne s’abstient pas de critique socio-économique : du travailleur manuel itinérant comme victime collatérale de l’industrialisation (puis – ironiquement – de la désindustrialisation, mais c’est une autre histoire). Avec ce nouvel album au titre emprunté à John Lee Hooker et enregistré à l’ancienne – magnétophone huit pistes analogique, prises de son en direct, aucune retouche – l’homme orchestre Rit plonge ses deux mains (guitare), ses deux pieds (batterie) et son souffle (harmonica) dans le cambouis, entre bayou et Appalaches, en dix compositions gorgées de garage blues (Huckleberry Finn Blues – épuré, primitif), de country folk (la mélopée éraillée Je n’ai que le blues), de réalisme magique (Chaque jour suffit sa peine, lancinant, hypnotique), de dadaïsme (Le fond et la forme, refrains sixties rappelant Jacques Dutronc) et de comptines étoilées (l’apaisée A l’heure où la lune s’évanouit, guitares nocturnes, un petit air du Dead Man de Jim Jarmusch). Inspiré tout autant par Beck que IAM, Bob Dylan et Téléphone, le multi-instrumentiste originaire des Alpes-de-Haute-Provence célèbre le nomadisme mais n’en reste pas moins relié au monde : c’est ainsi qu’il se voit épaulé aux chœurs par Lili et Selma (l’entraînant Danse (tu iras mieux) – rollin’ cajun teinté de gospel) et à l’orgue par Vincent Erdeven (Ode au grillon, groove lourd, oh yeah). Sincère, à contre-courant d’une modernité désincarnée, forte de la modestie revendiquée de ses moyens, Hobo Blues est une œuvre particulièrement touchante.