Fondé en 2018 sur les cendres de Nervous Conditions, et – après deux albums arty plutôt convaincants (For the First Time, 2021 ; Ants From Up There, 2022) – amputé de son chanteur guitariste Isaac Wood, le désormais sextet Black Country, New Road change de cap : en avant les compositions luxuriantes, baroques et rétrogardistes (Broadway + glam + 60s), merveilleusement portées par Georgia Ellery, Tyler Hyde et May Kershaw, multi-instrumentistes de talent et géniales vocalistes. C’est simple, Forever Howlong – produit par l’inévitable James Ford (rien qu’en 2024 : Pet Shop Boys, The Last Dinner Party, Fontaines D.C.) – est une ode au chant féminin, qui plus est enregistré avec un naturalisme qui va jusqu’à laisser entendre les fêlures, les reprises de souffle, les déglutitions. Pas suffisant pour compenser certains morceaux dispensables (le virtuose et néanmoins ennuyeux Socks, au mood indécis ; l’enthousiasme stérile de Salem Sisters, trop démonstratif), il y a que la tracklist est mal fichue : je vous propose de commencer par For The Cold Country, mélodie tournoyante dont l’intensité évoque les compositions de Dana Margolin, un cirque fou de six minutes (il semblerait que les Londoniens sont bien meilleurs sur les formats longs), puis d’enchaîner sur Nancy Tries To Take The Night, longue introduction instrumentale, mille-feuilles de cordes frottées, pincées, arpégées, motifs répétitifs abrupts, adjonction de rock expérimental, de la frontalité comme apogée – apogée curieusement placée vers la fin du disque, comme si le groupe avait préféré mettre en avant les mignardises et autres orgies de clavecin, de mandoline, de flûte, de violon, de clarinette, d’harmonium et de piano. Alors certes, l’inaugurale Besties (pop de chambre ciselée, avec accords en 7ème et changements de gamme – très Kinks) est aussi délicieuse que sautillante, The Big Spin (saxophone jazzy lounge, hum hum), et Two Horses (country d’ascenseur teintée d’ABBA) font le job, mais indéniablement ces chansons sont meilleures APRÈS avoir écouté les deux titres que je vous ai fortement conseillés (j’insiste), parce qu’ils vous permettront de vous acclimater à la nouvelle direction artistique prise par Black Country, New Road. Une fois passé ce cap, tout passe, tout glisse, tout capte l’attention, jusqu’à la conclusive Goodbye (Don’t Tell Me), flamboyante ballade laidback, faisant de Forever Howlong un roadtrip dont on ressort plus riche, et optimiste quant au devenir d’un groupe qui a su – grâce à des chanteuses éminemment douées – avec brio, mais perfectiblement, se réinventer.