« Nous cherchons toujours la tête » (dixit le guitariste chanteur Philippe Henchoz, citant un détective qui – placidement – relatait le meurtre du mannequin hongkongais Abby Choi, scabreux sujet de Most Arts). Moi, je cherche la mienne, égarée je ne sais où : trois semaines que je tourne aux abords de Superheld, l’impeccable nouvel album de Ventura, deux semaines qu’en vain je cherche comment tourner une chronique qui peinera à rendre compte de la qualité de ce disque (il y a que je suis nul en références postcore, notamment parce qu’elles sont mises à toutes les sauces – Shellac, Fugazi, Chokebore, vous voyez de quoi je parle), une semaine que je me dis que je pourrais me contenter d’évoquer les tueries Dwell (l’introduction parfaite : un hymne postgrunge), Bubbles (entre slowcore et shoegaze, majestueux) ou Freeze In Hell (folk-rock âpre qui rappelle Swell), mais ce serait réduire le trio lausannois, fort d’une collaboration remarquée – sur It’s Rainning On One of My Islands – avec rien de moins que David Yow (The Jesus Lizard), à ce qu’il n’est pas, c’est-à-dire un énième groupe de hardcore plus intelligent que la moyenne. En effet, chez Ventura, même lorsque les références sont identifiables, il y a toujours un truc en plus : un changement de direction (Advertiser, fabuleux à partir de sa seconde partie), une tonalité vintage (Patron Saint, dans la lignée de Dinosaur Jr. / Sebadoh), un groove inattendu (le planant Optimistic, très Frank Black), une mélodie entêtante (In me, There Are Three), un cœur sombre qui faiblement s’éteint (la lente mélopée crépusculaire – belle à pleurer – From Evil). Patients (Ad Matres, le précédent opus, remonte à 2019), discrets (cinq albums en vingt ans), accessibles (ni pose ni posture) et doués (la production est un modèle d’efficience – le son tout autant que le dosage des arrangements), Philippe et ses acolytes – le bassiste Diego Göhring ; le batteur Mike Bedelek – nous offrent tout simplement un des meilleurs disques de ce début d’année : je ne m’en lasse pas.