C’est dans l’isolement le plus complet que je vous écris. Je ne suis pas une version masculine de Natascha Kampusch. Je suis ce chroniqueur amateur à la petite semaine, qui partage souvent ses disques en famille, souvent pour le meilleur (enfin, je le pense.) et parfois pour le pire (j’en suis persuadé quand je tente une traduction du regard de mon épouse et de ma fille.). Mais là, je pense avoir atteint un point Godwin dans la transmission impossible, ma fratrie m’empêchant d’écouter un disque (enfin, je le pense.) quand elles sont là, chose qu’il ne m’est arrivé qu’avec Poupard, ce qui vous en conviendrez, pourrait , je pense être une raison suffisante de divorce et de désertion de ma maigre progéniture.
Mim nous arrive de Bruxelles, et pour « L’amour au 1000 Parfums » (titre parfait, tant les fragrances sont multiples), il est accompagné de Charlène Darling que nous avions déjà entendu chez Rose Mercie. C’est « Cowboy » qui m’avait estomaqué, un Brokeback Mountain dans une sorte d’Auvergne profonde, mais sous la direction de Vincent Gallo plutôt que sous celle de Ang Lee. C’est cru, le chant y est subtilement dérangeant, les repères volontairement changés, mais il s’en dégage une force et une poésie brutale et touchante. Charlène Darling est la petite fée coquine sur l’épaule qui louvoie et tourbillonne dans ce chaos intime que Mim installe tout au long de ses 11 titres tous aussi différents. On pense à Brigitte Fontaine, à Katerine siamois de Bashung d’avant la période spectrale (J’ai du Désir.), à un Will Oldham qui se serait noyé dans « Arise therefore » et son « You Have Cum In Your Hair And Your Dick Is Hanging Out », à une pop dévergondée ou plutôt une variété défigurée comme le dit le tag des morceaux. Mais on est surtout sans cesse pris aux tripes par ces escapades sans limite (« Pas Malade » ou comment faire du cinémascope en compagnie des frères Dardenne), émus aux larmes en écoutant « Podre » qui pourrait être la quintessence d’un titre d’Arlt sans le maniérisme, éblouis par la « Quand la Rose Eclot » comme une discussion enfin possible entre Gainsbourg et le trip hop de Massive Attack avec une chorale gospel rêvé, suggéré, mais au diapason. Et puis il y a « Rando » qui me vaudra la vindicte populaire de la famille, la goutte d’eau (qui coule de gourde), entre troisième degré et naturalisme bené.
Mordu (pas le « Vampire » ?), tatoué, je vais remonter, quitter ma solitude, rejoindre ma communauté familiale, me disant qu’il faudra convaincre, car quand un artiste vous souhaite la « Bienvenue » (titre d’ouverture épatant et touchant) c’est que sous les à priori que vous pouvez mettre, il faut chercher une forme de bienveillance (ici artistique) qui ne pourra que nous faire fondre. Ne restons pas seuls, venons tous contre Mim et Charléne Darling.