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J’étais au travail, morne fin d’après-midi passée à décortiquer un marché public bancal, quand soudain j’ai éclaté de rire, tout seul dans mon grand bureau vide du deuxième arrondissement de Paris (avec vue sur les toits).

Les drôlatiquement désabusées paroles de la chanson « Encore merdé » (on a tous vécu ce genre de soirée pourrie où rien ne se passe comme on le voudrait) m’avaient tiré de ma léthargie, c’était un signal, le signal que je devais rentrer chez moi et écouter plus attentivement – en buvant des bières – le dernier album de Pasta Grows On Trees, paru en octobre dernier sur le label Another Records.

On avait déjà croisé le dijonnais Simon Dougé sur le volume 57 des compilations de A Découvrir Absolument : le lyrisme nonchalant de « L’impression d’y passer » laissait apparaître de belles promesses.

Promesses tenues. Avec les douze titres de « Tout ce temps passé là », que Simon a écrits, produits et enregistrés seul dans sa chambre parisienne, et qui forment un ensemble solide et très cohérent, Pasta Grows On Trees trouvera sans peine sa place sur la scène française synthpop shoegaze néo-psychédélique, biberonnée à Tame Impala et aux disques lounge du label Tricatel.

Si « Encore merdé » m’a fait rire, au fond, ce n’est pas parce que son texte si flegmatique est marrant, mais bien parce que je me retrouve dans la posture lucide et blasée de son auteur, qui irrigue l’album de bout en bout, à tel point qu’il est difficile de savoir s’il s’agit de premier ou de second degré – la part de jeu de « Tout ce temps passé là » est difficilement quantifiable.

Dans une interview donnée à Gonzaï en octobre 2021, Simon explique qu’il a « l’impression que la pop est devenue consanguine et élitiste ».

L’on pourrait y voir une provocation basique mais la suite de l’article montre que le jeune homme, réflexion sur le capital social à l’appui, est très sérieux – j’ai envie de lui souhaiter la bienvenue dans le monde réel, de le prendre dans mes bras, de le câliner et lui murmurer à l’oreille que ce n’est pas bien grave, à une époque pas si lointaine, c’était pire, sans label, le musicien n’existait pas.

A noter que Simon a monté le collectif (malicieusement nommé) Entre-soi, qui organise des soirées et propose sur Bandcamp une très chouette compilation, qu’au passage je recommande, j’ai pris vachement de plaisir à l’écouter.

Merci à Pasta Grows On Tree (et ses amis) de nous rappeler que, face au réel qui déraille, la dérision – à condition qu’elle imprime, par l’action, ce même réel - reste le remède ultime.




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