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Dans la famille des musiques ténues, retenues et à retenir, voici Kååsberga.

L’album est sobrement nommé [1]. Premier album ? Quête d’unité ? Signal pour une note en bas de page ?

Jérémie a besoin de peu : guitalele, mandoline, synthétiseurs, pédale de boucles. Marie-Lise, moins encore : sa voix, et les mots, les mélodies qui la traversent.

Les accords arpégés de Jérémie enveloppent d’une douce mélancolie le souffle de Marie-Lise. Cette petite guitare qu’est la guitalele chante entre les mains du musicien, et les tendres voix de la chanteuse, délicatement multipliées, font accords.

Le son de la guitalele est très musical, mais restreint. Dans un espace réduit, il contient des mondes à découvrir. Le passant distrait pourrait voir dans cet objet un jouet destiné aux enfants, à peine un instrument de musique. C’est en fait une guitare classique dont on aurait scié le manche à la cinquième case. Jérémie a fait son choix en connaissance de cause. Habilement mises en ritournelles grâce à une pédale de boucle, ses séries de notes clairement égrenées plongent notre corps dans une transe douce et bienfaisante. Parfois, survient le son métallique d’une mandoline. Alors le parfum du Japon, qui déjà traversait certaines chansons, s’affirme davantage. Le plus souvent, un synthé analogique aux potentiomètres amoureusement caressés, vient déposer, en contrepoint de ces ambiances feutrées, un trait plus tendu.

Il n’y a pas qu’une folk déliée dans ce recueil. Des berceuses aimantes, des mélopées en canon se promenant sur les sentiers de Moondog, des instants suspendus empruntés au Penguin Café Orchestra... Mais Kååsberga impose d’emblée son geste propre.

Peu à peu, à mesure que se développe cette maison fragile, l’intention se dessine plus précisément. Chaque titre est composé d’un mot, d’un seul mot, clé et point focal de la chanson : Home, Rise, Shape, Season, Say, Axis, Light, Astray, Fly, Curve, Fall. Oui, il faut tous les citer, car ils composent un poème en eux-mêmes, et la trame du poème qu’est cet album. Axis est bel et bien central, axe de ces onze silhouettes, et son mantra tournoyant entraîne autour de lui les autres chansons, comme un soleil ses planètes. Tout se met en place. La fragilité cède peu à peu la place à la solidité d’une intention maîtrisée, avec beaucoup de sérénité.

Avançons que cet objet sonore est une installation dans l’espace, une invitation à méditer, à déplacer le point de vue, à respirer un air pur après la traversée d’une mégalopole irrespirable. Ce ne sera pas tromper les âmes en recherche d’apaisement, en ce moment de l’histoire où le vacarme et les poses font foi.

Quand vient le terme du voyage, une légère tristesse point au cœur. Où êtes-vous, Marie-Lise et Jérémie ? Dans quel monde de brumes septentrionales êtes-vous partis ? Promettez de revenir !

En fin de présentation, et sans enrobage sucré, jouons le jeu de quelques références supplémentaires : Sybille Baier, Laurie Anderson, Véronique Vincent, Shugo Tokumaru, Jean Bart.




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