Le plus dur n’est pas de penser le chemin, le plus dur est de le prendre et de ne pas se perdre ou tomber. C’est ainsi que nous pourrions présenter les volontés du Crapaud et la Morue avant d’entamer ce disque épique qu’est « Que Faire ? ». C’est sur un câble tendu entre deux sommets rocheux que le groupe avance, sans parapluie ou grande barre pour garder l’équilibre. Non, ici, le déséquilibre est une condition, presque un dogme à ce niveau de dangerosité. Car « Que Faire ? » est un disque risqué au niveau de ce que faire de la musique pour représenter un risque, mortel sous certaines dictatures, mépris ou l’absence d’écoute chez nous. Les 8 compositions en enfilades ne répondent à aucune règle dans le domaine de la géométrie dans l’espace. Ici, on avance sur ce câble en tentant de rebondir, de perdre le contact pour le reprendre du bout des doigts et tournoyer encore et encore, jusqu’à une stabilisation sommaire et brève. Le risque était alors de nous perdre dans les méandres de cette poésie farouche, entre le « Nous n’avons fait que fuir » de Noir Désir et la fièvre d’un Romain Humeau la peur au ventre, mais le courage en façade. De nous perdre dans ces échappées musicales qui vers le jazz, la pop éduquée, le rock le plus débrayé, le plus lourd, vont rechercher la friction, mais pas l’accident. Car cette ballade dangereuse et chaotique arrive à nous tenir, avec l’empathie au début puis avec une forme d’émerveillement que cette démarche vertigineuse sans filet, puisse parvenir à ses fins, nous donner envie de nous mesurer à la poésie transgressive et sans limite. Étonnante plongée sur ce chemin escarpé d’un groupe funambule.