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ADA : Vous pouvez vous présenter ? C’est qui, c’est quoi, c’est comment Poupard ?

David : On a commencé à faire de la musique ensemble un peu par hasard il y a 2 ans, avec un orgue meuble Yamaha qu’on avait acheté 20 euros pour décorer notre appartement . On a fait un premier morceau « pour rigoler » puis c’est devenu addictif, alors on a fait un album a la maison (« vésanie »), puis des concerts.

Laurie : on fait pas les concerts avec l’orgue meuble hein. On a trouvé une version portative.

ADA : Sur le premier EP, vous aviez fait deux reprises, une de Daho ( tombe pour la France) et l’autre pour le moins plus étonnante et pour autant tout aussi réussie. Parlez-nous un peu de cet hommage àPierre Bachelet ? Et de l’exercice de la reprise que vous semblez affectionner.

David : Il y a également 2 reprises dans le premier album (Patrick Dewaere et France Gall). On aime beaucoup prendre le texte d’une chanson connue et constater l’impression qu’il donne quand on le parle simplement, ça a tendance à donner plus de poids au sens et à la forme des mots et a modifier complètement l’impression générale de la chanson.

L’EP « poupard et lynhood chantent la vie » est né d’un concert que nous avions fait ensemble à Grenoble, dans lequel on avait préparé ces reprises. Laurie venait de choper le 45t de Pierre Bachelet, et j’ai complètement scotché sur cette chanson, a la fois très ringarde et bouleversante. Depuis j’ai pas mal creusé la carrière de Bachelet et j’y ai trouvé beaucoup de trucs vraiment cools.

La reprise de Daho, c’est Lynhood qui l’a faite.

Laurie : je me souvenais plus trop de cette chanson de Pierre Bachelet jusqu’au jour où je suis tombée sur une vidéo d’un mec qui la reprenait pour l’émission « The Voice » haha. J’ai trouvé sa reprise très naze et j’ai redécouvert la chanson.

ADA : De la façon plus globale, comment regardez vous le paysage de la chanson française actuelle ?

David et Laurie : On écoute essentiellement des vielles choses comme Jane Birkin ou Bernard Lavilliers. Pour ce qui est actuel, pour nous il y a clairement un avant et un après Noir Boy Georges, notamment pour notre passion pour les synthés cheap qui est né de cette découverte, et de tout ce courant synth-punk avec des textes en français, que ce soit Colombey ou Balladur par exemple.

ADA : Vos derniers coups de cœur francais ou pas, c’est quoi ?

David et Laurie : Freeze Corleone 667, du rap. Il y a un album « projet Blue Beam » qui est un vrai chef d’œuvre, tant par la production des musiques que par les textes et le flow. Peut-être que dans 50 ans, ce sera ce genre de chose, la vielle chanson française.

ADA : Dans les textes du nouvel album, ce qui marque entre autre c’est la crudité lexicale qui ne tombe jamais dans la posture provocatrice mais qui plutôt au service d’une profonde honnêteté pour révéler la cruauté des situations (sur “Make up” ou “Oh Mon Papa” par exemple) et peut-être aussi pour se détourner l’attention d’une sensibilité fleur de peau ? Notamment sur “Nous avons joué tous les deux” qui est absolument bouleversante. Alors, âmes retorses ou âmes sensibles ? Et si ce n’est pas trop indiscret, trop intime, elle vient d’où cette dernière chanson ?

Laurie : mon objectif n’est effectivement surtout pas la provoc, bien au contraire. J’aime la beauté dans la laideur, les mots crus et vulgaires sont des doux et jolis mots dans ma tète, c’est ce que je veux faire ressentir dans mes paroles.

Ce que j’écris c’est la brutalité de la réalité, que j’essaie de rendre un peu à la fois élégante et naïve.

David : « nous avons joué tous les deux », c’est une chanson que je chantais a ma fille quand elle était toute petite. J’ai tenté plusieurs fois de l’intégrer dans mes projets de musique, mais ca n’avait jamais vraiment fonctionné jusque là.

ADA : L’artwork nous évoque “La fiancée du Pirate” de Nelly Kaplan avec Bernadette Lafont ( grand film sur le patriarcat et l’émancipation féminine), est-ce que vous y avez pensé ? Sinon, vous pouvez nous en dire quelques mots de cette photo sublime ?

David et Laurie : C’est une photo de Laurie qui été prise par son frère il y a plusieurs années. Je trouve qu’elle est très belle et qu’elle fait écho au titre de l’album. L’aspect féministe est plutôt inconscient je pense. Je n’ai découvert la fiancée du pirate que très récemment. Un vrai chef d’œuvre, cette comparaison avec la pochette est un beau compliment !

ADA : Petrol Chips depuis plusieurs années maintenant nous étonne par la quantité et la qualité de ses sorties. On avoue, à ADA, on est assez fan. Il semble se dégager un élan collectif assez fou au sein du label. On pense par exemple aux Chips Fest. C’est comment de l’intérieur ? Quelles relations avez vous les autres membres du label ? A quand une soirée au dessus de la Loire, vous savez il y a des gens bien la haut ?!

David et Laurie : Il y a un noyau dur de potes depuis longtemps. On se voit régulièrement et on se fait écouter nos démos, on participe les uns aux projets des autres lorsque le bon sens et l’envie le demandent. Petrol Chips a permis de donner un nom à une sorte d’émulsion collective qui existait déjà. C’est un peu cliché de le dire comme ca, mais c’est avant tout une affaire d’adéquation humaine.

Pour les concerts, on a déjà du mal a s’organiser avec Poupard pour jouer hors de la région (dispo avec le boulot, défraiement etc...) On a joué 2 fois a Paris pour des opportunités qu’on ne voulait pas manquer, ca été 2 expéditions « one shot » assez éprouvantes. Pour les chips fest, avec tous les groupes qu’on est, multiplie les difficultés par mille et tu obtiens grosso modo la réponse a ta question haha.

ADA : Vous parlez de Georges Bataille dans le cd. Que vous apporte la poésie de l’auteur de " La pratique de la joie devant la mort » dans l’écriture de vos morceaux ?

David : C’est Laurie qui m’a fait connaître Georges Bataille. J’adore ses poésies. J’admire sa capacité a écrire une magnifique prose avec pour sujet « la merde ». Forcement, ca nous a beaucoup touché. C’est un exemple auquel on se réfère souvent, et a nos concerts on adapte régulièrement des passages musicaux où on le récite.

Laurie : Les dessin d’Henry Darger, le film « Come and See » d’ Elem Klimov, Georges Bataille etc. C’est pour moi la parfaite illustration de « l’horriblement beau » dont je parle plus haut et qui m’inspire pour mes paroles.

ADA : Il y a plusieurs contrastes sur ce disque. La douce voix féminine a un aplomb certains et distille des textes souvent grinçants, et la voie masculine elle semble quasi triste pour là des mots presque tendre ? C’est un choix qui s’est impose a vous ?

David : Il y a comme un genre de coutume tacite dans la chanson française a ce que la voix masculine soit grave et parlée, et les voix féminines douces et chantantes pour les cœurs sur les refrains. C’est quelque chose qu’on aimerait vraiment casser. Ceci dit dans Poupard, chacun chante ce qu’il a écrit et rien n’est très calculé. Je pense qu’on préfère appliquer le féminisme plutôt que de le revendiquer grossièrement.

ADA : Comment viennent des choses comme « je branche ma FM sur le signal de ta haine, j’ai la flemme, c’est bien toi qui m’enchaine ».

Laurie : souvent je pars d’une phrase que je lis ou que j’entends dans la vie de tous les jours et le reste me vient de manière assez fluide et pas du tout réfléchi. Beaucoup de phrases sont très absurdes et ne veulent pas forcement dire grand chose, mais mises les unes à côté des autres elles se donnent parfois un sens entre elles : j’aime bien.

ADA : Si je dis danser sur la déshérence affective sur la brutalité des sentiments des corps vous me tirez dessus ?

David : je pense qu’on va te viser mais faire semblant de tirer ! Laurie : ou alors on tire en faisant semblant de te viser haha.

ADA : Une chose fascinante chez vous dans la chanson française que l’on nomme souterraine, c’est que les textes ne sont pas rentres au chausse-pied. Les mots tombent quand il faut. Comment composez-vous ? Je suis fascine par la justesse en la rythmique et le nombre des pieds des vers des chansons. Vous travaillez comment pour arriver a une telle symbiose ?

David : la plupart du temps je fais les musiques d’abord. J’essaie de faire en sorte qu’elle soit déjà bien sans avoir besoin de paroles. Je les fais écouter a Laurie et elle choisit celles qui l’inspire pour des paroles. Le placement des voix n’est jamais chirurgical, un morceau comme « make up » n’est jamais chanté deux fois de la même manière. Ce qui est réellement composé, c’est plutôt le ton et l’allure. Ceci dit, on écoute énormément de rap français, anglais et américain, ca forge beaucoup l’oreille a donner de bons reflexes a la voix.

Laurie : quand je chante moi en tout cas c’est sûr que c’est pas deux fois la même chose : je ne sais pas faire compter et respecter les temps, démarrer quand on a écrit qu’il fallait démarrer, ca me stresse. Je fais au feeling, c’est beaucoup plus simple.

ADA : Il y a une guitare tranchante sur « week-end sans Fin » c’est une direction vers laquelle vous pensez prendre plus souvent ?

David : à la base je suis guitariste dans des groupes de rock (et après ? Churros batimet...) Avec Poupard on ne s’enferme dans aucun dogme, car on veut éviter de se sentir prisonnier d’une esthétique. Aussi, quand on était en studio et que j’entendais cette guitare fort dans ma tète, on ne s’est pas interdit de l’enregistrer sous prétexte qu’on devait être un groupe « synthé pop ». Donc pour la suite tout est ouvert : je vais peut-être casser le délire, mais en ce moment on est en train de composer une chanson de reggae !

ADA : Le clip de "Ma Petite Princesse" est un flash mob touchant tourné à Grenoble il me semble. Une question me taraude, vous passiez quel morceau pendant le tournage du morceau ?

David et Laurie : C’est une question qu’on s’est posée en amont, car on a déjà eu des plaintes pendant des concerts à cause de nos paroles. « Vous devriez avoir honte de chanter ces paroles devant des enfants ». C’est un raisonnement absurde car quand un enfant nous entend, il rit ! Je pense que c’est un problème interne que ces personnes devraient régler au lieu de les reporter sur des boucs émissaires un peu au pif.

Pour le flashmob, finalement on a diffuse ́2 fois de suite le morceau : le premier avec uniquement l’instru et le second avec les paroles. Car nous voulions être précautionneux et à la fois assumer notre chanson.

ADA : Poupard pour finir en un mot. Brut ?

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