> Critiques > Labellisés



On ne soulignera jamais assez que le lieu, le contexte dans lequel nous écoutons un disque, a, ou aura, une influence certaine sur la perception que nous aurons de lui. Brian Eno avait tellement compris cela qu’il avait poussé le concept aussi loin que de concevoir des musiques pour les ascenseurs ou les aéroports qui au final seront écoutés par des gens....en passant l’aspirateur, en regardant un match de foot sans le son du téléviseur ou en faisant l’amour, ce qui dans ce cas précis reste quand même une prodigieuse demonstration de notre faculté d’abstraction du contexte quand le charnel prend le pas sur notre raison. Mais ne nous égarons pas, enfin si, partons loin même très loin, dans un tunnel musical abstrait, mais aux contours parfaitement définis, celui de « Super Flumina Babylonis ».

Déjà, appliquons le précepte de l’introduction pour vous dire que j’ai écouté ce disque neuf fois. Trois fois dans des lieux différents et dans des postures différentes. Tout d’abord dans mon bureau d’écoute, assis sans autre horizon que des murs de disques. Sur le chemin du retour du bureau parisien dans lequel je travaille afin de prendre mon train de banlieue la nuit tombée, et donc debout. Pour finir dans le dit train, assis, longeant un paysage que le temps a fini par rendre monotone.

Si les premières écoutes dans les conditions optimales me bloquaient, c’est que mon cerveau n’arrivait pas à se connecter à cette musique, qui, dans sa volonté de nous faire partir ailleurs, se cognait à la réalité de mon mobilier, à l’absence de perspective dépassant les piles de cd’s, et le fait de fermer les yeux me faisait craindre la transformation de l’écoute en sieste musicale profonde. Mais rien n’était perdu, car il y avait une porte, et une fois celle-ci franchie, le mouvement du corps semblait pouvoir accompagner cette douce transe, ces architectures minérales pouvant nous plonger dans un micro hypnose. La marche conjuguée à la vision entre « Playtime" et Orwell des bureaux parisiens encore occupés par des hipsters totalement digitalisés, je prenais alors « Super Flumina Babylonis » comme l’éden, la musique semblant me protéger dans une forme de bulle des agressions de plus en plus nombreuses d’un Paris aux soubresauts modernistes tardifs et grand-guignolesques (n’est pas Londres qui veut). Je me sens alors comme invisible, me promenant dans cette jungle hostile avec dans les oreilles le bouclier sonore à cette laideur, cette vision à grande échelle de la guerre perdue d’avance contre le temps. Si je ne marchais pas, je pensais que là les yeux pouvaient se fermer, la barrière quasi-végétale me protégeait. Une voix viendra m’accompagner le temps de « La ville » (un hasard), celle d’Ariel Kalma, musicien français légende du New Age, et ici doux commentateur de ce que je voyais derrière ma bulle.

Il était alors temps de monter dans un train, de mettre le physique au repos. La vitesse du train semblait presque inutile, et le large panorama qui en écrasant les distances minorait celle-ci. La musique n’occupait pas l’espace, elle le sublimait, lui donnant une nouvelle orientation possible, car en fermant les yeux, je savais là enfin que je pouvais me laisser guider. Trois étapes, trois perceptions pour un parcours hypnotique et relaxant, une proposition musicale pour un environnement direct meilleur, et là, je peux vous assurer maintenant qu’il pourra s’écouter partout.




 autres albums


 interviews


aucune interview pour cet artiste.

 spéciales


aucune spéciale pour cet artiste.