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Je n’étais pas certain, au début, je n’étais pas sur, ma vue fatigué d’avoir dessiné longuement me trompait un peu, et puis l’âge et l’heure tardive, faut avouer aussi, créait un flou « Bilitis » autour de l’image sur l’écran. J’y devinais péniblement une forme blanche, fantasmagorique, dansant sensuellement sur un fond noir, pourtant je savais que cet objet était inanimé, du moins, son cliché, je découvrirais plus tard de toutes les âmes qui l’animaient en dedans, Cette volute blanche, qui se fusionnait a l’obscurité, me rappelait ces paquets de gitanes de mon enfance, cette flamenca de robe virevoltante, silhouette d’exotisme presque négatif, était là, nue de ce bleu qui l’entourait, dévoué a ce fond noir opaque. Mes yeux se firent a l’image, peu a peu, je découvrais un portrait en clair de lune, le visage triste d’un clown bordant la pénombre, un mime presque dangereux, psychopathe, froid comme un gothique en hiver. J’ai apprécié cette pochette inconnue, tant que j’ai demandé a la personne qui l’avait posé de me l’envoyer, juste parce que je l’aimais (ceci m’est arrivé souvent, le « Médusa » de Clan of Ximox en est l’exemple clair).

En attendant l’objet, sachant que ce qui luit dessus brille dessous, je me suis reposé sur cet artwork, tentant d’imaginer quel serait le son caché derrière. En regardant de plus prêt (et avec lunettes) je découvrais une marque, d’abord un méandre (j’ai craint un moment être dans une version blanc-noir charleston de la poupée ventriloque de « Saw »), mais le méandre forma rapidement un point d’interrogation, là, en plein milieu de la joue. Ceux de ma génération légèrement timides, un peu apartheid, se refugiaient dans les BD de super-héros pour y trouver la personnalité et force qui leur faisait défaut, de ce maquillage d’âge, je garde l’image du chevalier obscur, de ce Batman sombre, névrosé, bousillé mentalement, sans cesse en suspens sur sa vie de doutes, et puis je retrouvé dans cet écrin le visage et symbole de Riddler, « Le sphinx » et sa manie du point d’interrogation. Jim Carey a détruit plus d’un mythe vêtu de vert, ce vilain était vraiment l’âme torturée extracorporelle de l’homme Chauve souris. Et puis Manchild, ça sonne un peu Marvel, un peu Dc, l’homme enfant, quel pouvoir, l’éternelle enfance, le Peter Pan, la jouvence à souhait. Oui, j’imaginais déjà comment sonnerait ce petit objet, spirituel, profond, puissant et tordu, avec sa petite dose de naïveté, d’enfantin. Et puis l’objet et son point d’interrogation sont arrivés, j’ai alors vraiment regardé ce design, je l’ai regardé jusqu’à en entendre les sons. Cet objet s’écoute. Manchild a cette image de mime (passion de Bowie) et celle du Riddler (doute existentiel), mais son vrai pouvoir, est la musique.

Manchild cite Radiohead, Prince, Fink, mais celui qui émerge au-dessus du lot est certainement Bowie (l’omniprésent de cette génération), non pas pour la musique, dream-pop gonflée aux anabolisants obscurs, mais dans la sensation générale, dans la théâtralité de cet Ep., dans son va-et-vient d’un style a l’autre en sauvegardant incessamment son empreinte, son Adn, son art d’aller dénicher sa personnalité là où elle semblait masquée (cette pochette n’est-elle pas d’abord un masque ?), la musique a une gestuelle, les phrases sont des mouvements, (cette gitane vaporeuse qui danse sans bouger), l’ensemble est une tirade de quatre strophes, quatre acteurs, quatre personnalités qui s’avouent derrière le masque a l’interrogation, quatre décors. « Going down”, « Waiting for you », « Leave this town » et « Bad times paradise » (quelle claque celle-ci) sont donc autant de facettes pour un même visage. Appuyé par Sam Navel (Cascadeur, autre de mes petits chouchous) pour ce premier enregistrement, il donne dans le mille, son rageur dans les profondeurs, rythme cardiaque, voix égrainée, comme si la terre raclée le ciel et puis des accalmies qui bousculent, des tripes qui émanent des nuages rêveurs, un son propre qui serpente dans nos ouïes, envenime, venin, beau venin. Oh je savais depuis l’image que le son serait empereur, monarque, énorme et lame de couteau, je savais que les brios seraient a puiser dans les tréfonds, mais je savais tout autant de l’emprise qui s’en suivrait, parce que l’hypnose est une osmose du visuel et du sonore, facette tout a fait dépeinte ici, on reste sous le charme, comme ce Batman tant sombre qu’il devient héro, , on se refugie sous le tonnerre de ce rythme, on suit la descente aux enfer en sachant qu’on retombe sur le paradis, parce que la voix et ce qu’elle dit nous y mène, parce que les compositions et leurs réalisations nous y pousse, on sort de cet Ep. Engloutis, mais ravis, de là l’interrogation, surement, l’incompréhension, l’impossibilité d’expliquer le talent et pourquoi on le ressent, de là l’inutile quête du sens de ce visage blafard, c’est qu’il est en nous beaucoup plus que sur la pochette, dans les veines, musique sous intraveineuse, plaisir inexplicable du beau. On encadre la pochette sur le mur de notre mémoire, celle là n’a pas menti, son contenu, est superbe.




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