On a déjà pu entendre l’écho lointain de l’orage dans les disques d’Elysian Fields. Le sentir gronder, insidieusement mais sûrement. Sur ce Pink Air, dernière mouture en date signée chez les frenchies hyperactifs de Microcultures, et bien qu’arborant un magnifique ciel de traîne sur sa jaquette, l’orage est bel et bien là. Oui, c’est ça, voilà un disque du tonnerre ou comment la dreampop légendaire des New-Yorkais se met en rogne !
On ne sait pas trop qui endosse vraiment la responsabilité de la montée de bile. Qui est le bon ou la brute là-dedans on ne pourrait pas trancher. Ce qu’on sait c’est qu’on pense avoir repéré la truande. Elle s’appelle Jenifer Charles et hante de sa voix, à la charge érotique intacte, chaque recoin de ce disque. Ici et là, son compagnon des premiers gigs, Oren Bloedow, tresse autour d’elle de vastes instrus oscillant entre indie rock bien heavy et folk sombre aux effluves poétiques des plus cinématiques.
On les avait perdu de vue depuis 2014 et For House Cats And Sea Fans (on est passé à côté de leur Ghosts Oh No qui suivit, pas emballé), on est ravi de les recroiser en pleine possession de leurs moyens. On retrouve ici cette intelligence dans l’agencement des ambiances, ce goût pour la mise en œuvre d’un verbe classieux, cette fois-ci plus cru, doté d’un supplément d’âme "politique" : les envies de lyrisme lettré sans doute refroidies par une actualité brûlante d’horreurs.
Ainsi, les textes se font plus directs, sentent les sueurs froides et le vécu (pratiquement vingt-cinq ans d’existence ça commence à marquer), s’emballant parfois (l’apport sur certains titres de Vernon Living Colour Reid ou Simon Sheldon Hanes des Guerilla Toss n’est pas anodin), même si le vent de la discorde finit toujours par tourner vers ces instants chavirés plus introspectifs qui restent leur marque de fabrique.
Globalement, Pink Air est de ces Lps qui s’ils ne changent pas la face du rock, le rendent plus élégant, mordant et conscient. Fondamentalement dans l’air du temps, il le rend moins suffocant. Une vrai gageure à notre époque. Rien que pour ça , Elysian Fields reste, à nos yeux, incontournable.