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En se plongeant dans un disque chorale comme celui, un petit jeu s’impose toujours, pour peu que nous n’ayons pas visualisé et retenu l’ensemble de la tracklist. Il consiste à écouter les morceaux, et sur une feuille en face d’un numéro mettre l’invité. Je n’ai donc pas pu m’en empêcher, et j’ai au final une note quasi parfaite.

Passé le jeu il fallait se plonger maintenant véritablement dans le disque avec une liberté totale, l’écouter et voir si il raisonne en nous comme peuvent le faire certains. Dans un coin de la tête subsistait une réticence inhérente à la première écoute, si je suis parvenu à reconnaitre les intervenants c’est que chacun a ramené son univers, et sur l’ensemble d’un album, ce patchwork ne va-t-il pas paraitre décousu, le disque ne tenant même pas sur une histoire. Et c’est là l’une des prouesses (ne parlons pas de force, oui de prouesse) de cet album, être une oeuvre forte à la cohérence évidente.

L’explication est déjà que Valparaiso n’est pas un groupe de perdreaux de l’année, mais plutôt la réunion d’une forme d’aristocratie de la musique indépendante d’ici, une aristocratie sans privilège, sauf celui d’avoir un talent fou. Aux commandes de ce « super groupe » (quelle vilaine expression) Hervé et Thierry Mazurel, à l’origine du projet, on retrouve le guitariste Matthieu Texier (Les Hurleurs), le batteur Thomas Belhom (Amor Belhom Duo) et le violoniste Adrien Rodrigue (Jack the Ripper)

La deuxième explication vient de la famille des intervenants, des musiciens, des chanteurs qui doivent tous s’être au moins croisés une fois sur scène dans le cadre d’un festival, d’une première partie. La grande famille indépendante, côté raffinement de l’arbre généalogique.

La liste est longue, mais parfaitement cintrée, comme un costume que l’on porterait loin des dorures, juste pour être beau. Et Valparaiso est beau. Dans son costume parfaitement taillé, le groupe est en taille patron, s’autorisant à choisir les étoffes, les tissus pour porter des chansons qui étonnement semblent se répondre, se suivre avec la même force et régularité qu’un fil reliera les différentes parties du vêtement.

L’album est à la fois un hommage à cette scène, mais avant tout le témoignage d’un groupe, à la fois fan dans la démarche et créateur de haute couture dans la réalisation.

Dominique A y est comme chez lui, mais dans ses multiples maisons, comme si le groupe réussissait à réaliser une forme de précis « dominiquiesque » pour porter le chant de ce chanteur toujours avide d’une expérience sur des terres nouvelles. Chaque intervenant trouvera son costume, se baladant avec dans un univers qui globalement serait la superficie commune entre trois cercles (Gainsbourg, Calexico et Nick Cave). Mais les surprises sont partout, comme Shannon Wright qui reprendrait un titre perdu (Bury my Body) sur un trottoir d’une banlieue américaine sordide par une PJ Harvey en pleine écriture de "The Hope Six Demolition Project " (John Parish n’est certainement pas étranger).

Celle aussi de retrouver la voix de Marc Huyghens qui navigue non loin des rivages d’un Tim Booth apprivoisant la lumière. Celle surtout d’écouter un disque choral qui est une bénédiction pour ceux qui comme moi finisse toujours par trouver ce genre d’expérience décousue. Valparaiso a été touché par la grâce, ou a simplement rendu un hommage poignant et fort à une musique qu’ils aiment, sans génuflexion et courbure, avec la soif de porter eux aussi le costume, entrer dans ce monde des chanteurs et compositeurs magnifiques (Josh Haden comme une offrande quasi religieuse, Julia Lanoë comme un don perfide, Howe Geld comme un passage obligé devant cette statue du commandeur) ces poètes, magnifiant les mots, devenant par la même des poètes du son (porter "Wild Birds" de Phoebe Killer avec une telle finesse ne tient pas du miracle, le talent et l’écriture comme levier).

A l’instar d’un Woody Allen, Valparaiso est entrée dans un disque, non pas comme un intrus, mais plutôt comme un évidence, comme si l’appel au final de venez pas d’eux, mais des artistes présents, aspirant et inspirant cette poésie sonore. L’Automne des poètes.




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