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  • 23 avril 2017 /
    Shannon Wright
    Interview à la Rodia de Besançon le 09/03/17

    réalisée par FLK, PAR

Ça faisait un moment que ça nous trottait dans la tête : échanger avec l’une de nos artistes favorites, à l’émotion brute et sincère, dont les concerts laissent à chaque fois des souvenirs vifs et inoubliables. On profite donc de la sortie de son nouvel album "Division" et de la tournée qui suit pour la rencontrer à la Rodia à Besançon avant son concert, parler de sa musique, de sa guitare, et de la vie !

A Découvrir Absolument : Ton album précédent "In film sound" était plein d’énergies brutes. Le nouvel album est très beau mais sonne complètement différemment. Comment l’expliques-tu ?

Shannon Wright : Pour moi c’est un processus normal quand je crée de la musique. Quand j’ai fait "In Film Sound", je voulais faire quelque chose de live, avec le groupe, jouer tous dans la même pièce, etc. Mais chaque disque a son propre cheminement. Il y a quelques chansons sur ce nouvel album qui ont été écrites au studio de Katia (à Rome NDLR), pas les chansons en entier, mais certaines parties… C’est assez compliqué d’expliquer comment on fait les choses… ça vient du plus profond de mon esprit.

ADA : Par exemple, ta voix sur le titre "Seemingly" est très différente, très aiguë, comme si c’était quelqu’un d’autre qui chantait. C’était intentionnel ou c’est venu comme ça ?

SW : Oui c’est juste sorti comme ça, je ne pensais pas à changer ma façon de chanter, je n’avais pas l’intention de faire différemment, c’est venu parce que ça semblait naturel.

ADA : Est-ce la même chose avec l’usage des programmations rythmiques ? C’est assez nouveau, si l’on excepte "Father" sur l’album Honeybee Girls.

SW : En fait, j’entendais plutôt des rythmiques électroniques mêlées à la batterie acoustique, je voulais des textures différentes, un vrai piano avec de la batterie vraiment agressive, avec des fréquences électroniques, des tons et des sons différents… C’est comme des ébauches où l’on ajoute des éléments.

ADA : Est-ce que tu nourris ta création par d’autres musiques, des livres, peintures, etc. ou ta source d’inspiration, c’est la vie, simplement ?

SW : Oui, juste la vie. Ça arrive quand ça doit arriver, quand j’écris je n’écoute pas de musique, je regarde des films, mais je ne recherche pas l’inspiration. Quand je suis dans le bon état d’esprit, ça fonctionne. C’est comme un film dans ma tête, j’y pense constamment, donc je n’ai pas besoin d’influence extérieure, je laisse juste venir les idées.

ADA : pour cet album, tu as enregistré avec 2 nouveaux musiciens. Était-ce une évidence de jouer avec eux pour cette tournée ?

SW : Oui ! David (Chalmin) qui joue des claviers sur cette tournée a aussi enregistré l’album, et on a aimé jouer ensemble. Il a suggéré Raphaël (Seguinier) : on s’est rencontré, j’avais écrit les parties batteries que je lui ai montrés, et il a fait un beau boulot très rapidement, c’est un signe qui ne trompe pas. Quand on a monté la tournée, je me suis dit que c’était logique qu’ils m’accompagnent.

ADA : Est-ce que tu préfères tourner seule ou avec un groupe ?

SW : C’est très différent, mais j’aime les 2, pour diverses raisons. J’aime l’intimité des concerts solos, mais parfois la batterie me manque, et inversement j’aimerais avoir des moments plus intimistes, mais il y a le groupe. Mais je suis vraiment chanceuse de pouvoir faire les 2, aussi souvent, c’est comme un cadeau.

ADA : Est-ce que le fait d’enregistrer en Europe a changé quelque chose ?

SW : En fait, j’ai enregistré la base des morceaux à Rome et Paris, et le reste à la maison, les claviers, etc.

ADA : Est-ce que ça t’a influencé d’être en Europe ou t’es-tu laissée influencer par les instruments présents dans le studio ?

SW : Oui pour les instruments. Parce que quand tu es dans le studio, tu ne te frottes pas du tout au monde extérieur… Peut-être si tu es une grande pop star, que tu peux enregistrer pendant 3 mois, tu as le temps de profiter des événements culturels, etc. Mais quand tu es dans le studio, l’équipement tourne, tu sens que les choses avancent, et c’est difficile – pour moi en tout cas – de sortir de ça. J’aime être complètement absorbée dans le processus. À la maison aussi, quand j’enregistrais les claviers, les rythmiques électroniques, j’y suis resté des jours et des jours et des jours…

ADA : on a vu que tu avais tourné dernièrement avec Shellac (aux US). Comment les as-tu rencontrés ?

SW : je les ai rencontrés en 1999, je les connais depuis longtemps. Steve (Albini) a enregistré 3 ou 4 albums avec moi, et on est de très bons amis, donc quand ils tournent ils me demandent. C’est facile, ce sont des vieux amis, on ne se sent presque pas en tournée, c’est vraiment que du bonheur !

ADA : comment était le public pour cette tournée ?

SW : Super ! Incroyable ! Je jouais solo… le public était fantastique !

ADA : Tu es sur le label Vicious Circle depuis un bon moment maintenant, comment les as-tu rencontrés ?

SW : j’étais en tournée avec Calexico, en 2001 je crois, je jouais à Paris avec eux, et Philippe, le boss de Vicious Circle était dans la salle, il regardait le 1er groupe (je jouais en 2e). Il devait aller quelque part, il était dehors quand j’ai commencé à jouer, il a entendu et il est tout de suite rentré en demandant : "comment je peux rencontrer cette femme ?" Il est resté pour le concert et demandait à tout le monde "Comment je peux la rencontrer ?"… J’ai beaucoup aimé son enthousiasme, il semblait vraiment sincère, et c’est parti de là !

ADA : Il y a d’autres artistes sur ce label comme Troy von Balthazar, tu le connais ?

SW : Je ne le connaissais pas avant, mais on a fait quelques dates ensemble, et j’ai vraiment aimé.

ADA : tu as aussi enregistré un titre avec Mansfield TYA ? Comment les as-tu rencontrées ?

SW : Carla (Pallone) m’a envoyé 2-3 chansons, en me disant : "écoute ces chansons, si tu en aimes une, et que tu veux écrire une mélodie et les paroles…" J’ai aimé ce titre [qui est devenu "loup noir" – NDLR], j’ai fait la mélodie, les paroles, et j’ai eu l’idée d’une section voix / cordes, et on a mis tout ça ensemble. Ça a donné quelque chose de chouette, je pense.

ADA : Qu’est-ce qui t’as fait commencer la musique ?

SW : j’ai toujours été une grande fan de musique dès toute petite. Avant de savoir marcher, je rampais vers les haut-parleurs, m’y accrochais, je suis célèbre dans la famille parce que c’était si étrange ! J’ai toujours aimé ça, adolescente j’allais au magasin de disques et je suis devenue obsédée par plein de genres de musique, mais je ne pensais pas que j’allais jouer de la musique, je n’avais aucune confiance en moi pour le faire. Ensuite, j’ai eu un petit ami qui avait une guitare, j’ai commencé à en jouer, puis je me suis achetée ma propre guitare. Et je suis devenue complètement obsédée. Ensuite j’ai commencé à jouer du piano, vers 1999-2000, je crois. Du coup j’ai commencé les 2 instruments assez tard.

ADA : Ta première guitare est ta (Fender) Jazzmaster ?

SW : Non, mais c’est l’amour de ma vie ! Ma première guitare je l’ai achetée dans un mont-de-piété, c’était une guitare classique, je ne savais pas qu’il y avait une différence, avec les cordes loin du manche, très dure à jouer. Mais en fait ça m’a peut-être permis de devenir une meilleure guitariste, parce que j’étais obligée de jouer quelque chose de vraiment difficile. Ensuite j’ai eu une (Fender) Mustang, puis la Jazzmaster.

ADA : Comment as-tu développé ta façon unique de jouer de la guitare ?

SW : Quand j’ai commencé je voulais écrire des chansons, mais je détestais les guitaristes, je veux dire la guitare sonnait parfois de manière tellement ridicule. Je n’aimais vraiment pas la tonalité, les aigus, la façon de gratter les cordes, donc, sans vraiment m’en rendre compte, j’ai développé d’un côté une ligne de basse et de l’autre des aigus, de façon très rythmique, et je n’y ai jamais vraiment réfléchi, c’est simplement la façon dont je voulais entendre sonner ma guitare. Et c’est très important pour les guitaristes de le comprendre. Beaucoup de gens commencent à jouer d’un instrument pensant qu’ils doivent sonner comme quelqu’un d’autre, même s’ils n’aiment pas l’ampli qu’ils ont, la manière dont ça sonne, quelqu’un leur a dit que c’était un super ampli et ils se sentent obligés de l’utiliser. C’est une manière terrible d’approcher le son, le jeu. Une fois, on m’a aussi dit que je jouais comme un guitariste de blues, dans l’utilisation des graves… mais je ne savais pas que je le faisais, ça n’est pas quelque chose dont j’étais consciente, c’était juste ce que j’aimais.

ADA : On a lu que parfois tu avais envie d’arrêter la musique… du coup, c’est plus une requête qu’une question : s’il te plait, continue de faire de la musique !

SW : (rires) Ah, pour l’instant je suis heureuse alors… ! Qui sait comment ce sera d’ici 2 ans… Bon, la vie d’artiste, c’est un peu un cliché de dire ça, mais il y a de très bons moments, et puis tu te poses des questions, comme tout le monde fait, dans tous les boulots… bon c’est pas un boulot. C’est dur de le faire quand tu ne te fais pas d’argent avec, et j’ai un enfant dont il faut que je m’occupe. Je ne peux pas tourner pour rien… c’est triste mais c’est la vérité. Il faut en parler à tous vos amis, comme ça je pourrai continuer !

Quelques heures plus tard, l’évidence de sa nouvelle formation avec David et Raphaël nous saute aux oreilles : que ce soit plein ou dépouillé, le concert est d’une rare intensité. Et comme la tournée reprend très prochainement, c’est l’occasion parfaite de découvrir ou redécouvrir le répertoire de Shannon Wright dans ce qu’il a de plus beau : en concert, vivant.

09/05/2017 TOULOUSE (31), Le Metronum

11/05/2017 SAINT-ETIENNE (42), Le Fil

12/05/2017 GRENOBLE (38), La Bobine

13/05/2017 ANNECY (74), Le Brise Glace

15/05/2017 AMIENS (80), La Lune des Pirates (solo)

16/05/2017 BRUXELLES (B), Le Botanique

17/05/2017 AMSTERDAM (NL), Le Paradiso

18/05/2017 DUNKERQUE (59), Les 4Ecluses

19/05/2017 TOURS (37), Le Temps Machine

20/05/2017 BORDEAUX (33), Le Krakatoa

06/07/2017 ROUEN (76), Festival Les Terrasses Du Jeudi