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Je les suis, je les suis comme un enfant suit la trainée d’une étoile filante (il est toujours trop tard pour deviner l’étoile à temps). Depuis "Pop Fiction", attentif aux lampions qu’ils accrochent ci-et-là dans le panorama des rêves, avec cette élégance, avec cette poussière d’étoiles. Loa Frida revient, après le fabuleux susnommé premier disque, Anka, Pierre et Juliette ont élargi les steppes et les regards, ont creusé les chairs et les vents. Loa Frida a grandit sous l’enveloppe presque inutile de la peau, entre les nerfs qu’ils ont découvert dans ce disque et la chair qu’ils revendiquent enfin comme lieu sacré de l’esprit. Il y a quelque chose, effectivement, de plus charnel, de plus palpable, cette pensée étrange qu’ils ont donné au rêve sa dimension de douleur et sa matière a frémissements. La chair, cette chose qui nous brule tant que l’on en redemande, l’écrin de l’âme, est le nouveau refuge du groupe. Si on est obligé de parler d’influences, d’une folk électronique, de trucs froids de journalistes sérieux sur leurs style et technique, on est aussi obligé de parler de leurs méandres, de leur distorsion du monde qui envoute, qui hypnotise la chair et prends au piège la pensée. "Bipolar", est un essai presque philosophique sur la rage et son côté lumineux, car il y a de la détresse (ors donc rage) dans les textes, des questions sans réponses a qui le son donne des pistes, "Bipolar" sont des mots qui ont leur reflet dans la mélodie, un dialogue entre corps et âme, cruel et aérien. Plus expérimental (et contrairement, pourtant, plus obsessif) que son prédécesseur, plus osé (et pourtant plus sensitif), plus puissant (pourtant hautement fragile). La musique de Loa Frida, et la voix, comme instrument autant que comme narrateur, se voue a ces dimensions que nous méconnaissons, qui nous attire comme un athée qui rentre a Sainte Cécile d’Albi*, nous intrigue tant qu’elle nous intéresse, ces compositions sont des addictions a demi-mot a des rêves que l’on aimerait rêver mais que l’éveil nous propose concret, réel. Stratagème de funambule sans filet, danger, tentative, coup d’état et coup d’éclat. En fait nous redécouvrons par eux que l’émotion est un risque, sans calcul, sans logique sinon l’art (accident lui-même), nous redécouvrons par leurs sons que les sensations sont choses éblouissantes et folles. Le risque donc comme définition du son, pour passion créatrice. Musique matrice. Si j’avais découvert dans leur disque précédent une part de mon âme (vous y trouverez des bribes des vôtres) je découvre aujourd’hui une autre facette dans des expériences plus osées, et des lettres plus guerrières, Loa n’a pas répété, le groupe a pris une feuille blanche, un atome inconnu, une terre nouvelle, une autre dimension. Le groupe a trouvé la chair. De là ces titres autant denses que léger, nourriture a songes, kermesse a envols, chair a passion. Il n’y pas pied a préférences, chacune de ces cinq chansons ont une existence différente, un univers a elles, chacune émerge d’une terre et d’un ciel différent, si "Wonder" est un embrasement dans l’espace infini qui questionne l’intérieur de nos esprits fait de myriades de petits sons comme ions et atomes dans l’engrenage d’une voix presque Lolita, Hidden est au contraire un minime espace que l’on désire clos, muet, aveugle, où l’on se renferme pour trouver les réponses, la voix tourne a l’acide, une écorchure, et la musique prend des ombres de ciprés et de nuits. "Hello world (and fuck you)" est inhumain réitératif, robotique, mais empli d’une poussière qui préserve l’idée d’un vécu, et la lente mélopée d’une tristesse qui oxyde le métal. "Washed up by the ocean" est une lumière dont les teintes oscillent entre Peter Gabriel quand il observe le monde et les rondes enfantines, précieux instant de réveil, ce moment même où s’ouvrent les paupières, chanson d’aveu, chanson d’une biographie que l’on cache en la nommant, une certain parce que a ces pourquoi. "Lola", qui clôt ce voyage entre la matière et l’impalpable, est un chant de victoire, quand le rêve victorieux, pose son pigment sur la chair, tout en continuant ce fil conducteur qu’est l’expérimentation, il offre une ampleur au projet, ouvrant les portes a des styles qui seront ou ne seront pas dans les prochaines introspectives, parfait pour amener nos corps jusqu’au début du disque, et reprendre ce trajet une fois et une autre. A cette hauteur de ma chronique, vous aurez remarqué que je défini ce disque comme charnel, mais n’arrête pas de parler d’âme, bien, vous avez découvert la magie de Loa Frida, joindre l’air et la pierre, joindre le jour a la nuit, joindre l’électricité a la chlorophylle. Reste a vous, de croire, écoute après écoute, a la réalité de cette magie.

* Je vous invite à sentir cette rare impression d’être infime en visitant ma chère cathédrale, on peut ne pas croire, mais on peut aussi aimer.




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