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J’avais lâchement abandonné ce journal de bord promis à ADA ; journal de bord qui, avec je l’espère distance et sobriété, est sensé compter les étapes successives du processus d’écriture puis d’enregistrement du troisième album de Summer. Manque de temps ? Apologie de la glandouille ? Non, plus bête : rien d’intéressant à dire. Très souvent en effet, écrire un album est aussi classique que de pointer au travail. On se lève, on a rencard dans les locaux d’enregistrement, on prend le métro, on s’enferme deux ou trois heures et on joue, on joue, on joue. Puis, le soir, il suffit de réécouter le travail de la journée pour savoir si le résultat est naze ou bien à fignoler, encore et toujours. Eh oui : nos années débauches sont loin derrière (s’assagir ne signifie pas non plus mener une existence catholique ; heureusement, sinon « on se ferait bien chier » - copyright Gainsbourg).

En fait, depuis septembre, le groupe a surtout bossé la scène. Deux dates avec l’ami Matthieu Malon nous incitèrent à travailler les nouveaux titres pour se rendre compte de leur impact (ou pas) face au public. Une méthode inédite pour nous : travailler sur d’anciennes compos ainsi que sur des inédits, améliorer leurs écritures dans une optique live, les jouer puis les valider ou non. Résultat plutôt probant car, via cette nouvelle méthode, l’inspiration a donné naissance à trois nouvelles rêveries. Ces dernières semblent tenir la route. Bien… Oui mais ! Voilà qui chamboule totalement le tracklisting initialement prévu. L’agencement devient plus compliqué et nécessite parfois l’écriture d’un titre de transition, cela pour créer du lien entre face A et face B. La question du sacrifice devient ainsi primordiale, non sans hésitations et longues discussions.

Par exemple, nous possédons un titre (sommairement baptisé « ETE » car ni Louima, ni Baptiste ni moi-même n’avons eu l’ambition de lui accoler un intitulé un peu plus catchy), très pop, avec un refrain simple et limpide (dans la veine de « Laura Gemser » mais en plus commercial). Que faire de ce titre ?! D’un côté, c’est douloureux de l’abandonner ; de l’autre, il ne colle absolument pas avec l’atmosphère du prochain disque. Et comme Summer fonctionne dans un état d’esprit album, le tiraillement n’a pas lieu d’être : au revoir « ETE » ! Sans doute ce morceau servira-t-il de bonus pour un éventuel single annonciateur ; mais il ne sert à rien d’impérativement vouloir placer un titre (sous prétexte qu’on le juge accrocheur) dans un tracklisting qui, malgré d’innombrables manipulations, n’en veut décidément pas. C’est con : pour une fois que Summer écrit un truc pour les moins de trente ans ! (Encore que le refrain, je me demande : « en été y a rien à faire à part se défoncer ».)

Autre bouleversement, hyper positif celui-ci : l’arrivée de Baptiste (également musicien dans Alpha Hydrae) dans la team Summer. Les répétitions et les concerts possèdent ainsi plus de relâchement, moins de pression, à la cool. Nous avons dorénavant le loisir de jouer très carré, ou totalement destroy, dans le bordel ou la rigueur - selon nos impulsions, les envies d’expérimentations et les litres d’alcool ingurgités. Baptiste étant un sacré musicien gorgé d’excellentes idées (et un mec formidable), il est logique que celui-ci s’implique dans les nouvelles compositions, propose des arrangements, donne un avis. Je me demande si Summer n’a jamais été aussi soudé qu’aujourd’hui…

Et donc, ce prochain disque… Pour autant que je puisse en juger (pas une mince affaire), il sera plus atmosphérique que les précédents. La voix elle-même s’évapore, les guitares se déclarent à doses homéopathiques. C’est hyper prétentieux d’écrire ceci, mais, à chaud, je pense à « Faith » (sans l’aspect new wave) - du moins, dans la construction. Pas encore de date de sortie. Raison simple : pour notre précédent album (« French Manucure »), nous nous étions volontairement placés un couteau sous la gorge (ce qui est une bonne méthode, comme toutes les méthodes d’écriture) ; cette fois-ci, afin de ne pas proposer un bis repetita, nous prenons notre temps. Et puis, soyons réalistes : ce n’est pas comme si la terre entière attendait fébrilement un nouveau Summer !

Finalement, le plus beau dans la musique, ce sont les rencontres, ce qui se situe entre deux travaux d’enregistrement. Quoi de plus exaltant que de parler de Jessica 93, de Lufdbf ou de… Jean Bart avec des compagnons de soirées, des connaissances enfin identifiées ou de nouveaux et anciens amis chers ? Sur ce point, respect éternel et remerciements à Matthieu M et Matthieu D, Jack Torrance et Fabien « Keneda » Aillet, Vincent B et Laetitia S, Elsa & Laurent & Gaël, Jean-Philippe P, Laurence et Natalys, Clémentine, Léopoldine, BBH, Alex Telliez et Fleuv… Seule frustration : ne toujours pas avoir rencontré Jean-Pierre Raffarin !

Epitaphe : « ce n’est pas perdu pour tout le monde »…

Photos by Jack Torrance & Matthieu Malon

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