Un dimanche ensoleillé où rien ne fonctionne comme attendu. Les déboires s’accumulent, les bouteilles s’empilent, le téléphone refuse de sonner, les amours déraisonnés végètent dans leurs cyclothymies. Alors on part farfouiller dans notre réserve de disques non écoutés afin d’y dénicher la perle noire qui plombera l’atmosphère, amènera un peu de pluie et obligera à tirer les rideaux. Et l’évidence s’impose dès les premières mesures de « Circumambulation » : le troisième album des texans True Widow est idéal afin de saccager une ambiance festive, raviver les idées glauques et bazarder Jerry Lewis pour s’en remettre à Andrzej Zulawski.
Lourd, lent, poisseux, « Circumambulation » évoque un croisement fatigué entre My Bloody Valentine et Queens Of The Stone Age (avec I Love You But I’ve Chosen Darkness en guise d’arbitre), une rencontre macabre entre Michel Houellebecq et Bret Easton Ellis, un mélange d’antidépresseurs et de whiskey… Avoisinant souvent les sept minutes, chaque chanson semble provenir d’on ne sait quel Enfer terrestre, puisant dans le stoner pour mieux noircir un shoegaze malade, psychiatrique, déraisonné. Car chez True Widow, il n’y a que désolation : les grattes font la gueule, la batterie se veut aussi martiale que chez le Cure de « Pornography », les voix sont implorantes et se perdent dans un abus de réverb’, aucune mélodie ne viendra porter préjudice à cette longue visite parmi les dingues et les paumés… Ambiance.
Il y a également, en huit titres proches de l’âge des cavernes, une idée de prières, de mantras. Mais alors le genre de prières que s’offriraient les désespérés en quête de solutions miracles, le genre de mantras dans lequel iraient se perdre les individus nihilistes ne possédant foi en rien. « Circumambulation » : un appel à l’aide, un cri murmuré, une cicatrice intérieure qui refuse de cautériser, une souffrance en forme de complainte. Ce qui empêche « Circumambulation » de virer à l’asphyxie complète ? Un chant très indie 90’s qui renvoie à une Kim Deal déplorée et à un Thurston Moore en pleine descente d’ecstasy ; des guitares méchantes et douloureuses mais qui tiennent diaboliquement en haleine ; un abandon dans le sinistre qui, paradoxalement, procure chez l’auditeur un plaisir assez maso… Et si j’écris que « Circumambulation » est, à ce jour, l’un des disques parmi les plus intenses entendus depuis le début de l’année, j’aurai l’air d’un gentil névrosé. C’est pourtant la vérité. Amen.