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« Les Smiths avec des synthés »… Formule rebattue mais qui résume finalement la musique des Pet Shop Boys. Car l’alchimie unissant, depuis plus de trois décennies, la paire Neil Tennant / Chris Lowe ne tient qu’à cette heureuse contradiction : d’un côté, un fanatique d’opéra et de Bowie (Neil) ; de l’autre, un barman dont les jeunes années vécues à Blackpool se déroulèrent au son de la B.O de « Saturday Night Fever » (Chris). Plus encore : à gauche, un parolier décrivant minutieusement les brimades infligées par les écoles du Nord de l’Angleterre, les premiers ravages du SIDA, la prostitution et l’homosexualité ; à droite, un musicien en symbiose parfaite avec l’état d’esprit Disco 70’s. Un cocktail à part, dévastateur à plus d’un titre : comme si Lou Reed écrivait pour New Order, comme si ce n’était pas Johnny Marr qui s’associait à Barney Sumner pour fonder Electronic mais Morrissey himself, comme si Derek Jarman avait décidé d’offrir des textes pour Soft Cell…

Dans un premier temps pourtant, les Pet Shop se contentèrent de singles universels (inutile de les énumérer, vous les connaissez par cœur) et colmataient les brèches de leurs albums par des titres bouche-trous. A partir de « Behaviour », Neil Tennant et Chris Lowe envisagèrent enfin les Pet Shop Boys sur le format long. Résultat ? L’un des disques parmi les plus émouvants jamais conçu par une oreille mélomane. Un disque à la première personne (Neil Tennant s’y affirme comme l’équivalent d’un Ray Davies ou d’un Morrissey), mélancolique et maussade (une écoute de « Being Boring » ou « My October Symphony » change une vie), un classique absolu et instantané. Les Shopettes (comme les surnomma un jour Etienne Daho) prirent ensuite, façon Bowie, la voie caméléonne : un album totalement dance-floor en pleine époque « Smells Like Teen Spirit » (« Very »), un récit autobiographique sous influences tropicales (« Bilingual »), une aventure technoïde enrobée de cordes chipées à Craig Armstrong (« Nightlife »)…

Ce fut néanmoins à partir de « Nightlife » (un disque sous-estimé) que l’inspiration de Neil et Chris commença à dangereusement décroitre. En exceptant le génialement drolatique « Fundamental » (en 2006), les dernières sorties des Pet Shop Boys ne provoquèrent aucune excitation, la grande émotion laissant place à une difficulté à retrouver l’évidence mélodique d’antan. Ni bons ni mauvais, « Release » et « Yes » comportaient certes quelques grandes chansons (« You Choose », « Vulnerable ») mais nous préférions acclamer certains inédits (le sublime « Flamboyant ») ou rééditions gorgées d’or (le coffret « Format » regroupant, dix-huit années après « Alternative », B-sides et bonus tracks issus de la période 1996-2009). En 2012, les Pet Shop Boys sortirent « Elysium ». Une sorte de « Behaviour » light, un faux disque morose qui planquait sa vacuité derrière la commodité de la tristesse musicale. En gros : Neil Tennant, à court de carburant, ne savait plus trop sur quel sujet écrire…

Après cet album raté, les PSB nous devaient une revanche. L’annonce de Stuart Price (Les Rythmes Digitales, Zoot Woman) à la production d’« Electric » intriguait autant qu’inquiétait : Neil et Chris avaient-ils besoin d’un producteur aussi bankable que Monsieur Madonna pour raviver leur côte commerciale ? Les Pet Shop Boys étaient-ils à ce point en berne pour miser sur la facilité d’un producteur dont la patte, hier novatrice, vire depuis longtemps au réchauffé (l’époque où Stuart Price se nommait Jacques Lu-Cont semble lointaine) ?

Verdict après écoute d’« Electric » ? Ça fait mal de l’écrire mais le nouveau Pet Shop Boys est… un ratage quasi intégral. Acmé de la déchéance : le triste « Love Is A Bourgeois Construct » dans lequel les PSB singent le « Veridis Quo » de Daft Punk (pourquoi tant de mal !?) tout en recyclant les chœurs russes de « Go West ». Plus loin, « Shouting In The Evening » insiste pour donner une impression « Discoteca » (mais nous n’y croyons pas). « Fluorescent » peine à dépasser le stade de la courtoise sympathie. « Thursday » commence dignement avant de s’enliser dans un phrasé hip-hop totalement hors-sujet… Mais le problème majeur d’« Electric » concerne la mise en son. Hier si novateurs, si provocateurs avec leurs chansons à triple sens, leurs clips kitshissimes et leur fidélité à l’égard de l’outil Disco, les Pet Shop donnent aujourd’hui la sensation de posséder au moins trois wagons de retard sur l’époque. Car à l’heure des nouveaux Fuck Buttons, Boards of Canada ou Minks, il sera particulièrement coriace de réussir à s’extasier sur une synth-pop aussi vintage que celle proposée aujourd’hui par le binôme Lowe / Tennant. Au passage, Stuart Price, depuis qu’il s’agenouille devant Madonna, confirme avec « Electric » qu’il tient dorénavant plus du recycleur que de l’artiste dadaïste admiré aux temps de « Darkdancer » et « Living In A Magazine ».

Ne pourtant pas croire que nous prenons un quelconque plaisir à casser du Pet Shop Boys. L’auteur de ces lignes considérant « Behaviour » comme l’un des disques cruciaux de son existence, il est particulièrement douloureux d’accepter le déclin de nos idoles. D’un autre côté, soyons lucides : aucune formation électro-pop issue du début 80’s ne peut aujourd’hui prétendre, après trente années au compteur, toujours satisfaire l’insatiable appétit du fanatique (à part Depeche Mode, disons). Evinçons toute forme de lassitude amoureuse pour ne conserver que l’essentiel : avec les Smiths, New Order et Felt, les Pet Shop Boys resteront, quoi qu’il arrive, le plus grand groupe des années 80.




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