Le disque s’ouvre sur une longue nappe sonore de laquelle on n’imagine que va sortir la furie d’une guitare que Mogwaï aurait laissé s’énervé dans le cerveau vide de Zidane. Ce nuage de son est en fait l’introduction à un disque influencé par les westerns, par le folk, et materné par une mélancolie que même des indiens revanchards inviteraient dans un tipi pour fumer le calumet de l’amitié. Presque dénué du moindre effet de manche qui permet à la musique dite folk de parfois nous vendre une boite de sardine pour une de caviar, EMHYV joue sa musique comme on partage sa table par tradition, fière de donner à l’autre ce que l’autre n’a pas ou n’a plus.
Il y a de la chaleur humaine dans ces notes, l’âme des gens du voyage (le voyage à l’intérieur). La ritournelle reprend ses droits, celle de nous tourner autour (Goldfish) de nous emballer dans un tissus soyeux et empli de mots qui seront nos compagnons, nous faisant tourner la tête, afin que le plaisir monte haut dans celle ci. Simple et économe, cette musique nous ramène au fantastique « Woman Of The World » de Jim O’Rourke, avant de nous retirer cette couverture, nous amener dans le froid de « Go There, Be There ». Ce titre est un morceau déchirant qui craque de partout, faisant vibrer nos corps, frissonner notre peau, confirmant que la beauté ne se trouve finalement que dans la douleur, la brutalité des sentiments. Le frisson est celui du plaisir, il nous dope par l’affectif, il nous fait chavirer, glissant sur le pont de ce bateau ivre qui venait de quitter le port sans que nous en soyons prévenu. L’émotion ne sera pas en reste, quand « Puppetman » convoquera le fantôme de Buckley. Le cristal de la voix comme éclaté en mille morceaux sur la roche dure de notre souffrance palpable. L’appel est vibrant, les doigts comme dévalant des collines de notes pour s’échouer du haut d’un précipice lacrymal. « Helmet On Fire » ne sera alors qu’un appel d’un au delà, un titre dure comme un échappatoire à une souffrance qui pourrait être définitive. Rêche et sans précaution, les mots et les notes claques comme des gifles qui semblent vouloir nous réveiller. Disque de caresses et de coups, ce premier album de EMHYV cultive une dimension romanesque, nous quittant avec une conclusion « Unknown Friends » moins empreinte d’une émotion trop brutale. Un disque plein, dont le tour ne se fera qu’à condition que l’on puisse s’y accrocher, il a la force de nous faire tourner ensuite. Un voyage perpétuel