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Dans un magasin de fleurs, des fleurs, des enfants qui jouent, des gens dedans, des gens dehors, un lustre imposant au centre, moi assis sur un tabouret, lui debout sur ses pieds, David Thomas Broughton tient sa guitare en bandoulière. Je le regarde, m’en inspire, lui trouve une assurance, nos regards se croisent pendant 30 secondes nous sommes immobiles face à face, il sourit, je sourie gêné de l’avoir ainsi dévisagé. Il semble venir d’un autre temps, sa voix grave agréable et rassurante comme la roue d’un vieux moulin laisse s’échapper des trémolos qui transcende la dramaturgie de sa musique anachronique. David est un poète maudit qui se plaît à refaire le monde, s’interrogeant en continue sur le sens de ce monde et la place que l’homme suppose y occuper. Lorsqu’il se retourne vers un enfant derrière lui, il se met à sa hauteur pour lui chanter dans les yeux l’histoire d’un type qui tente de se suicider dans une rivière, mais qui perd sa chaussure en entrant dans l’eau et part à sa recherche. Bel exemple de la dimension de cet artiste ; au delà de sa voix chaude et profonde, il improvise toute une série de mouvements, son corps devient un instrument, son attitude maladroite à la Chaplin vient au secours de ses chansons tristes, cette opposition de phase lui confère un sens de la dérision hors norme, ajouté à un contenu mélodique fin et riche, le spectacle est complet. L’imagination sans bornes de David me subjugue, par moment il s’éloigne de sa musique jusqu’à s’en détourner quasiment, mais c’est un miracle lorsqu’il y revient, et ce miracle dont il a la clé, il le reproduit inlassablement, il commence une chanson, met en marche sa samplebox, puis son attention part ailleurs, il nous convint qu’il s’est détourné de ce qu’il a commencé, mais loin de rester inachevée, la chanson gagne en densité que ce soit avec ses bidouilles de boucles et de droneries ou avec son talent d’entertainer lorsqu’il met son masque de comédien abruti et génial. Pourquoi David se donne autant de mal, après tout, sa voix et sa musique suffisent déjà à nous émouvoir ? Interpréter ses chansons en incarnant ce personnage foutraque et turbulent, ce style "j’en ai rien à faire" et ce côté burlesque, c’est le refus net de se prendre au sérieux, le refus de se faire des illusions, pourtant cette voix m’a touché autant que la révélation que j’avais eu en entendant celle d’Antony and the Johnsons. Tous les sons environnants que vous entendrez dans ce concert, ne sont que des accidents volontaires, des objets invités dans son espace sonore, sauf les rires des enfants. Vincent Moon a fait une séquence en début d’année avec lui au Texas, vous pourrez voir que David est aussi à l’aise dans une petite boutique que dans la ville, un jour j’aimerais bien le voir jouer dans la rue à Paris devant les badeaux. Merci à Karine de Solyflor, Howard Monk et à Thomas des boutiques sonores.

David Thomas Broughton chez le fleuriste by dfracheb

SXSW 2009 _ David Thomas Broughton, 6th street from vincent moon / temporary areas on Vimeo.



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