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A l’aise en extérieur - pas moins de 27 000 spectateurs au total se pressèrent aux portes de la Route du Rock 15- le festival malouin remet son titre en jeu ; en intérieur cette fois. Il renoue ainsi avec son histoire après une ellipse de quinze ans : les premières éditions entre 1991 et 1993 se tenaient également en hiver. L’occasion de vérifier si les années affectent la relation particulière qui lie les indie fans et la version historique de leur manifestation hexagonale préférée…

Vendredi 18 Février 2006 : Palais du Grand Large

Milieu d’après-midi au Palais du Grand Large. Les Thee More Shallows s’avancent sur scène les traits tirés. C’est peut-être un détail pour vous mais pour eux ça veut dire beaucoup. En l’occurrence que défendre l’excellent More Deep Cuts et l’EP Cuts Plus Two après plusieurs longues heures de voyage et bien moins de sommeil, peut devenir souverainement compliqué. Un ordinateur qui fait sa mauvaise tête et la barrière d’un Français mal maîtrisé finissent d’empêcher le control freak Dee Kessler de contrôler quoi que ce soit. Le set des San Franciscains ne rendra donc pas la finesse de leur indie US tout en collages sonores malins mais offrira quand même de captivants instants d’inconfort moral pourtant particulièrement plaisants (" 2am ", " The Perfect Map ", ou la langueur moite de " House Break " ). L’entrevue du lendemain avec les membres cette formation singulière - à paraître sous peu- imposera un regard neuf sur leur prestation. Une clémence légitime que l’on hésite à accorder à Verone tant le groupe semble s’employer volontairement à flinguer des morceaux qui gagnent sur scène en simplicité et révèlent l’intelligence de leur construction, à force de parti pris arty vains -la fragilité de notre culture artistique nous interdit sans doute d’apprécier pleinement les vidéos projetées en arrière-plan qui mettent en scène notamment une jeune fille sautant à pieds joints sur des Crocos Haribo…- ou de paroles second degré ( ?) un rien débiles (de mémoire : " le régime est sévère/mais le régime de bananes je vénère " ou un truc du genre). Verone souffle ainsi pendant plus d’une heure le chaud (" Alaska ", énorme ou " J’ai vu des chevaux sous la mer ") et le froid (un titre évoque sourire en coin le bricolage me semble-t-il) ; on risque ainsi une crève carabinée. Gravenhurst se presse alors à notre chevet et applique cataplasmes noisy et atmosphériques revigorants et pommade de ritournelles Vixvaporub introspectives (il revient ainsi en rappel pour un titre final déchirant). Un set maîtrisé dont on retient le chant fond de gorge impressionnant d’intensité de Nick Talbot. Et qui nous invite de belle manière à partir à la (re)découverte de Fires In Distant Buildings. Avec les débonnaires Earlies en revanche y’a pas le feu au lac. Les Anglo-américains auteurs d’une collection de singles et maxis impeccables (These Were The Earlies) prennent possession sans précipitation de la scène et invitent l’auditoire à leur apéro décontracté du gland dans un Palais du Grand Large devenu salon cosy. Vous reprendrez bien un sandwich au concombre avec votre pop psyché et symphonique bricolée ? On enlèverait presque ses groles aux sons ouatés de " Wayward Song " et le reste sur " Morning Wonder " et son motif de claviers en spirales. Une trop courte exposition aux rayons d’une musique qui donne à l’épiderme une teinte cuivrée. De la douceur avant la fureur. "

Vendredi 18 Février 2006 : L’Omnibus

Entre (les) Rock&Roll et (le) Rock’n’Roll une nuance orthographique et pourtant l’infinie distance de l’honnêteté. Le groupe évoque ces contre-façons que les touristes rapportent de leur voyage.

Presque identiques à l’original dans la coupe et la couleur mais frappées d’un logo Kevin Klein. Deux titres introductifs immédiats et séminaux puis Rock&Roll débande. Sur le forum des Inrocks on peut lire cette saillie merveilleuse qui résume à elle seule l’esprit du concert des Parisiens : " Tu chantes en Anglais pour nous faire croire que tu baises Kate Moss ? ".

Pas de Kate Moss en vue ce-soir mais Liela Moss, charismatique leader des Duke Spirit. Pourtant grippée, la Vesta pattismithienne entraîne le reste du groupe dans une relecture poisseuse du percutant Cuts Across The Land. Le public accueille sans bouder son plaisir le garage-rock burnes en avant des Anglais.

Avec Test Icicles le propos finit de se situer au niveau du bas ventre. Les trois tarés montent sur scène pour un set aux allures de punition auditive. Cernés par les amplis, les Anglo-américains vocifèrent, se contorsionnent et semblent à tout moment prêts à se foutre sur la gueule. Près d’une heure de giclées post-hardcore et suffisamment de testostérone pour traiter des cars entiers de patientes désireuses de devenir patients. Un instantané parfait de leur For Screening Purposes Only qu’un journaliste de Magic rebaptise d’ailleurs For Screaming Purposes Only.

De longues minutes salvatrices séparent cette déflagration dont on ne sait quoi penser de la prestation de Birdy Nam Nam. Quatre turntablistes, des lignes de basse épaisses et des beats salaces pour une surboum déviante qui clôt cette première journée éclectique.

Samedi 19 Février 2006 : Palais du Grand Large

Retour au Palais du Grand Large pour la deuxième édition de la Route du Rock 2006 Collection Hiver. Cette saison le post-rock se portera festonné d’electro ornementale et classieuse. Et près du cœur. C’est en tous cas la tendance lancée par les Français d’OMR durant une heure et demie d’un ciné-concert fabuleux et mémorable. Sur les images muettes de La Charrette fantôme (1921) fascinant film en noir et blanc du Suédois Victor Sjöström, les cinq musiciens -dont une violoncelliste- pénètrent la sphère Constellation et étoilent avec une finesse et une maîtrise confondantes des plans qui n’en deviennent que plus expressifs. Un succès. Impossible pour nous de vérifier si Villeneuve atteint ce niveau d’excellence puisque nous tapions la discute avec les membres de Thee More Shallows. Les Nits communiquent également beaucoup. Avec le public notamment. Les mythiques Hollandais s’introduisent eux mêmes au travers d’un set acoustique qui confirme s’il en était besoin l’efficacité de leurs compositions frappées de troubles dissociatifs. La deuxième partie voit le jeu se muscler gentiment. Un set à la papa-maman un rien désuet mais parfaitement enthousiasmant. Après plus de trente ans de carrière, tout permet d’affirmer que Henk Hofstede et les siens sont " dans la place " comme le disait Menelik à l’époque où l’on portait des T-Shirts Waïkiki. Leur dernier album se nomme Les Nuits mais peut donc aussi s’écouter l’après-midi. Une bien belle après-midi d’ailleurs.

Samedi 19 Février 2006 : L’Omnibus

On se presse en masse ce soir à l’Omnibus. Pour y entendre notamment Baxter Dury.

Un garçon sympathique et plein d’humour dont apprécierait d’autant plus les jolies pop-songs défendues sur la scène de la salle malouine s’il prenait la peine de paraître un minimum concerné par leur sort en live. Son attitude de gentil branleur lui confère pendant un temps une certaine classe mais finirait presque par nous détourner de ses morceaux efficaces et charpentés ( l’enlevé " Francesca’s Party " notamment). Rien de rédhibitoire cependant. " Rédhibitoire "… mot compte triple. On pouvait placer aussi " radical " mais on perdait le bonus. Le mot convient d’ailleurs parfaitement pour qualifier le concert de Battles.

Trois guitaristes bidouilleurs et un batteur qui semble avoir mis entre parenthèses sa carrière de Marines le temps de quelques prestations rythmiques musclées. Une charley placée au niveau de sa tête et une crash au niveau de celle de George Mursan le géant roumain de la NBA. Battles sonne comme Helmet (dont le batteur John Stanier est issu) qui voudrait rendre hommage à Ornette Coleman. Impressionnant quoiqu’un rien épuisant. Il en est un en revanche qui n’aura pas à porter sa chemise au pressing c’est Howe Gelb de Giant Sand.

Auteur d’une prestation montagnes russes qui associe donc moments d’ascension (l’introduction au piano et les titres country-rock décomplexés) et de dévers curieux (l’interruption du concert pour passer la prestation folk d’un pote au cours d’une émission télé). Un set décevant et n’empruntant aucune réelle direction. On se consolera en passant son plus beau justaucorps. Un et deux et un et deux on sert les fessiers, un et deux et un et deux on travaille son cardio sur Vive La Fête.

Presque un classique de la Route du Rock désormais. Comme le deviendra sans nul doute cette Collection Hiver -dont on annonce déjà une édition 2007- si elle poursuit une ligne artistique toujours fondée sur une définition large des musiques actuelles.

Crédit photos : Erwan Louyer



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