On était passé à côté du quatrième album des Écossais de Young Fathers, publié en février dernier par le label Ninja Tune (fondé en 1990 par Matt Black et Jonathan More, alias Coldcut). Si j’étais l’entraîneur d’une équipe de football, à l’issue d’une défaite, le seul et unique commentaire avisé sortant de ma bouche magique serait le suivant : « Bah, on peut pas gagner tous les matchs ». Dans la même veine, on ne peut écouter, et encore moins chroniquer, tous les disques (quelle tâche borgesienne ce serait !). Et donc ce sont les festivals d’été qui attirèrent notre attention sur les exploits scéniques du trio édimbourgeois, dont la recension quasi-unanime sur les réseaux sociaux évoque transe, good vibes et chamanisme hip-trip-hop. Enregistrés entre Leith, Londres et Durban, les dix titres de Heavy Heavy, aux basses amples et au kick profond, méritent d’être écoutés sur des enceintes, ou du moins au casque, tant la pâte sonore composée par Alloysious Massaquoi, Kayus Bankole et Graham ’G’ Hastings porte en elle l’essence du mille-feuille le plus fin. Le parti-pris aventureux des Young Fathers fait de chaque morceau un jeu de piste musical, truffé de fausses pistes, de trompe-l’oreille et de références bariolées, à tel point que parfois on se dit que non, cette fois ça ne passera pas, le morceau va être pourri, et puis en fait pas du tout, les pièces se mettent en place et au climax final on est dans le génial. Électro, rap, gospel, soul, space pop, afro punk rock, tout passe avec classe à la moulinette d’une production très compacte (nan, je ne citerai pas TV On The Radio, trop facile), qui se charge de lier entre eux voix et arrangements – mention spéciale à la ballade Tell Somebody (en mode Spiritualized) et au fabuleux Be Your Lady, qui clôture un Heavy Heavy carrément bandant, dont les nombreux sommets (I Saw et Drum, de la grosse balle !) doivent en live effectivement claquer. Allez, vite, on conclut en beauté et avec style cette mini chronique retardataire : Heavy Heavy, c’est du lourd ! (Comment ça mon jeu de mots est pourri ???)