Combien de fois, on aura pu me dire, c’est dans la tête tout ça, alors que je criais comme un bœuf suite à une douleur aussi vive qu’une fulgurance de Jean-Louis Murat face à un des innombrables décérébrés de la télévision française. Non, ce n’était pas dans la tête, c’était mon ventre, un pied, un bras que sais je, en un mot comme en cent, dans mon corps. Cette douleur sera stockée dans mon IA personnelle, me faisant minimiser les risques de la croiser de nouveau, ou bien l’anticipant quand les premiers éclaireurs signalaient son arrivée. C’est de cette matière qu’est construit Beatings Are in the body, une exploration des émotions provoquées par la douleur sont emmagasinées en nous. Pour cela, la Montréalaise Erika Angell (voix/électronique), la Vancouvéroise Róisín Adams (Wurlitzer) et Peggy Lee (violoncelle) vont s’inspirer de la poétesse Canadienne Meagha, Mc Aneeley, pour ne pas faire de cette œuvre, un traité musical à des fins médicales ou le contraire.

Dans une structure entre free-jazz et improvisation, musique contemporaine et chanson expérimentale, le trio va nous emmener dans un monde qui irait de Goldfrapp à Steve Reich, dans un grand écart tout aussi savoureux que bénéfique, car si l’ennui est au tournant, il retombe via un croche-pied. Hasard des sorties, ce disque n’est pas si éloigné dans sa façon d’exister du dernier album de PJ Harvey , I Inside The Old Year Dying, réalisant une union pas si impossible avec les envolées shamaniques d’une Kate Bush dans les vapeurs d’une inspiration aux avancées exponentielles.

Agissant comme un baume sur nos blessures, sur nos corps fatigués et nos âmes torturées, l’album irradie ce moment rare. Car sous ses atours qui freinent les moins téméraires, ce disque est une parenthèse enchantée, un pacte signé avec ce qui nous construit avec les petits bonheurs, la douleur. Ceci n’est pas une anesthésie générale, mais un guide pour aborder le plus placidement des zones grises, le tout, entre les bras de trois infirmières musicales en chef. Apprivoiser la douleur.