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Derrière un visuel giallo-hitchcokien à souhait signé Laurent Richard, réunion au sommet entre deux trublions finistériens aux discographies respectives aussi longues qu’une nuit sans sommeil : au coin droit du ring se tient, fulminant et prêt à en découdre, l’échevelé romantico-punk Jacques Creignou (alias Delgado Jones, mais également pOOr bOy, et partie prenante des frappadingues et excellents Man Foo Tits), tandis qu’à l’opposé, le malicieux magicien mélancolique John Trap (cheville ouvrière du label brestois L’Église de la Petite Folie, d’aventureux albums solo en collaborations fructueuses et productions ourlées – il sait tout faire) maraboute les chakras de l’arbitre en vue de faire basculer en orgie sonore ce qui n’est pas un clash mais bien un pacte amical entre deux artistes qui se côtoient depuis une éternité.

A charge pour les Nantais de Super Apes, dont le catalogue fourni ne cesse de nous séduire (Vania De Bie-Vernet, The Odd Bods, Extreme Shoegaze, etc.), d’accueillir les douze morceaux d’un The Eye(s) où chaque titre – c’est amusant – voit son pluriel optionnel, comme un clin d’œil adressé au singulier, pour lui indiquer qu’à peu de choses près – en l’occurrence, une seule lettre – il devient autre(s), ou l’inver(s)e, on ne (s)ait pa(s).

A l’écoute de The Eye(s), ce qui en premier lieu frappe esprit et oreilles, c’est la très grande aisance mélodique dont fait preuve le duo – si parfois les structures des chansons sont alambiquées, jamais elles ne perdent de vue l’évidence, au point de rendre entêtants même les couplets là où les groupes random misent tout sur le refrain : c’est le cas sur The Sin(s), version électronique d’une pop prog californienne 70s, mais également sur The Beast(s), que ne renierait pas un Depeche Mode bluesy. Si The Son(s) et The Empire(s) nous ramènent vers des 90s rock lo-fi chéries, Pavement en tête, il y a beaucoup de dark love sur The Candie(s), avec cette chère ooTi aux chœurs, petite pensée pour son L’interprétation des signes, qui est l’une de mes chansons françaises préférées des 2010s.

De cette collaboration de haute volée et si naturelle, Delgado Jones et John Trap, de leurs pattes respectives (pour le premier, textes - coécrits avec Louise Fromageau -, chant sans artifices et néanmoins habité, goût pour la déglingue et le freestyle ; pour le second, pertinence des arrangements, citations riches et pertinentes, science du pas de côté), évoquent tant et tant qu’ils se font historiens de la meilleure musique : tempo lent mais revigorant, The Waterstar(s) évoque tout autant The Mabuses que The The et Vitalic, quand The Corpse(s) s’affilie à Sleaford Mods, The Fall et à la post-pop des 2000s - ça, c’est du putain de cocktail, non ?

La fin de l’album est du même bois (tordu), avec un The Dog(s) entre rock 80s et Jean-Michel Jarre sur fond de basses groovy, puis l’arpégiation krautrock démoniaque de The Blood(s) virant à la pop song grunge featuring de délicats motifs de guitare claire – un sommet : malgré un air de ne pas y toucher underground, l’ambition artistique est belle et bien là, qui se matérialise par une production ample et des partis pris forts, permettant à Delgado Jones et John Trap d’éclater des frontières géographiques qui, de toutes façons, en musique ne devraient pas exister.




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