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Le 11 mars 2004 sortait le cinquième album de Dominique A. « Tout sera Comme Avant » et sa pochette reniée depuis la réédition (L’image avait un côté FN, dixit un ami de Dominique). C’était un tournant dans la façon de travailler de Dominique, grâce, ou la faute à un disque paru deux ans plus tôt, le spectral « L’imprudence » d’un Bashung au sommet de son art si particulier. Disque à part dans la discographie de Dominique, il en est peut-être le mal aimé par les fans hardcore, tout comme « Vers les Lueurs » , qui lui aussi sortait Dominique de la configuration pop classique d’une guitare maîtresse de cérémonie, mais d’une main externe posée sur les compositions.

Sur « Vers Les Lueurs » une thématique nouvelle apparaissait clairement dans l’œuvre du grand A (même si «  L’Horizon » nous envoyait certains signes que nous retrouverons sur « Eléor ») , celle d’une prise de conscience que le monde, notre monde, foutait le camp, balayé par une bourrasque que nous aurions activée, via une machinerie diabolique nous projetant vers un enfer, qui deviendra le nôtre. C’est avec une chanson frontale et étonnante dans la discographie de Dominique qui donnera le la à cette prise de conscience, et à sa traduction dans son art, car si l’art n’est pas politique, elle n’est pas. « Rendez-Nous la Lumière » sera suivi de « Se Décentrer », donnant aux années 2010 de Dominique, une couleur qui jusque-là échappait à sa discographie, le vert.

Alors ne nous méprenons pas, « Le Monde Réel » (titre d’une des chansons à l’ossature épique, comme une suite possible au « Convoi ») n’est pas un disque écologique comme les statufiés de la Taratata connexion peuvent en pondre, non, c’est un disque politique, un disque organique, un disque sur lequel Dominique se décentre tellement, qu’il en vient à donner aux roches un ton sarcastique (« Ce que nous disent les roches mon amour, c’est qu’elles se foutent de nous mon amour, ce qui peut bien nous arriver, elles s’en foutent » sur « Les Roches »)

Perfide ( sur « Nouvelles du monde lointain », Dominique A semble nous "remueré, la rage en moins, le point du vue lui à son plus haut) et piquant (« On quittera le lit défait, dans le plus parfait des silences, on ne nous reverra jamais, quelqu’un aura cette chance », couplet terrible sur « Dernier Appel de le Forêt. » ) sous un masque de douceur (« Avec les Autres » comme une caresse à rebours de l’individualisme, « nous n’irons bien qu’avec les autres, nous n’irons loin qu’avec les autres. ») , Dominique, derrière ses mélodies soyeuses, ses orchestrations majestueuses, et ses arrangements dingues (Ne l’a t’il pas atteint son Impudence 18 ans aprés), sans renier de ce qu’il est (« Et Tout le Monde Comme Des Toupies » rejoindra la famille des chansons "dominiquienne", que seul lui écrira et pourra reprendre) quitte sa maison (même si celle-ci est ici magnifique introduite par la clé de discographie de mister A, la guitare que nous n’entendons quasiment pas le long de l’album sur « La Maison ») et commence à ramasser les graines qui servirent à faire naître des arbres de « Spirit of Eden » ou « Laughing Stock », sans pour autant quitter cet ancrage terrien qui irrigue cette conscience verte.

Pas tout à fait seul (délicate note d’attention pour que « Au Bord de la Mer Sous La Pluie » ne soit pas prise pour une chanson autobiographique), Dominique A trace un sillon qui s’éloigne de plus en plus de ses contemporains, s’interrogeant sur le monde tout en quittant celui de ses chanteurs qui ne sont pas tous des amis. Un pied dans l’irréel, une classe d’avance....la classe A.