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Dans ses notes accompagnant en 1978 la sortie du mythique « Ambient 1 : Music For Airports », Brian Eno expliquait que son intention avait été de produire une musique discrète, susceptible d’interagir avec les émotions de l’auditeur – potentiel voyageur stressé à l’idée de monter dans un cercueil volant - sans forcer son écoute : jamais l’ambient ne brusque. Il y a quelques années, j’ai assisté à une représentation de cette œuvre au Collège des Bernardins, ainsi que de l’« Electric Counterpoint » de Steve Reich, et ce lieu riche d’histoire se prêtait à merveille au jeu. L’ambient est un genre flou, aux frontières poreuses et dont certains hérauts – Jean-Michel Jarre, Vangelis, Tangerine Dream -, ont vu avec le temps leur discographie, mal perçue à une époque, réévaluée à la hausse ; la « musique d’ameublement », comme l’exprimait malicieusement Erik Satie, a encore de beaux jours devant elle et Ambientologist en est un des fers de lance.

Fondé en 2019, le label amstellodamois propose à l’amateur de musique instrumentale planante un catalogue fourni et chillout au possible, tout en concoctions de nappes étirées, éthérées, effleurées, de synthétiseurs trafiqués et de pianos réverbérés à l’infini. L’écoute se veut une expérience émotionnelle et sémantique, un soutien psychologique, une caresse mentale, et c’est bien l’objet de « Sustains Series volume 3 » : prendre le temps de se laisser aller au temps qui passe lentement, dans un aéroport ou ailleurs. Field artificiel, étrangeté atmosphérique, où sans chaos ni fièvre, les résidents d’Ambientologist enchaînent les climats vaporeux et mélancoliques. Musique de niche, certainement, mais les 27 titres de cette compilation défilent harmonieusement, on se laisse malgré soi happer : il s’agit de se poser et de ne plus penser, devenir ascenseur ou plante verte, ou plante verte dans un ascenseur.