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Béquille : instrument servant à vous maintenir debout, ou à vous aider à vous mouvoir quand il vous manque de l’équilibre, quand la posture debout est difficile. Ce dernier album d’ Arcade Fire aura été avec l’album de The Smile, l’excellentissime “A Light for Attracting Attention”, une partie de ma béquille, quand la vie a décidé de me voir privé de la présence de celle à qui je dois tout, ma maman. Alors vous allez me dire, reprenant un gimmick soit disant drolatique que je m’obstine à utiliser quand j’ai envie de faire rire le fan de tatapoum lecteur d’ADA, heureusement que je ne suis pas tombé sur le dernier Placebo, ou que Coldplay n’aie pas eu l’idée de sortir une captation live de sa tournée « tout en couleurs ».

Ce grand œil, n’est pas celui de Sauron (œuvre du génial J.R.), il est ici celui dans lequel j’ai décidé de me perdre, mettant mes à priori de plus en plus gênant sur le groupe canadien (surtout après le catastrophique album précédent, le grotesque « Everything Now »), passant outre le maniérisme mormon un rien gênant de Win Butler au milieu de la machine industrielle qu’est la musique pop actuelle. Laissant de côté le charme perdu de Regine Chassagne, au chant presque irritant. Et puis marchant sur le possible nouveau concept, d’un groupe qui depuis Funeral n’a jamais voulu reconnaître ses faiblesses, au risque de foncer droit la tête contre un mur. Mais « We » m’aura sauvé, et rien que pour cela, il pourra être l’album d’Arcade Fire vers lequel je vais retourner le plus facilement quand il sera temps pour moi de me reposer afin d’accueillir le repos définitif, comme une clé pour le passage.

Déjà, et ce n’est pas un luxe chez les Canadiens, c’est qu’il est plus court que les autres, allant à l’essentiel, sans jamais mettre de côté cette façon bien à eux de faire monter la tension, pas le biais d’un line up conséquent, et ici partiellement renouvelé. « We » n’est pas un grand disque, c’est un disque immense. Immense, car avec lui, le groupe quitte son autoroute dévastatrice, pour reprendre un chemin plus en adéquation avec une écriture plus terreuse, faisant de l’emphase non plus le seul élément, mais un élément constitutif d’un tout, quitte à se perdre dans des circonvolutions, piochant dans des contes et légendes, pour tenter de comprendre, ou de décoder le présent. Sans prendre un risque démesuré pour autant, le groupe s’est éloigné de l’autoroute vers l’enfer qu’il commençait à prendre, perdant à la fois son âme et son public, risquant au final, les plumes et le goudron dans une salle à moitié vide. Ne voulant prendre le risque de devenir un de ces groupes à la rente viagère tout aussi ennuyeuse que gênante, il est revenu aux fondamentaux, sans pour autant dénigrer une partie du chemin parcouru. Si on glosera sur cette forme de conceptualisation qui semble devoir être la marque de fabrique du groupe (le sticker dans le vinyle qui fera la joie des enfants adeptes de la modernisation d’un congélateur), il est indéniable que Win Butler et sa troupe se sont remis à écrire des chansons, ne cherchant pas l’hymne pour ce qu’elle est, mais pour ce qu’elle pourra apporter. Sans être une œuvre cathartique, « We » aura été au début une écoute anxiogène (« The Lightning ! » et « The Lightning II » ne provoquant le plaisir qu’après moultes écoutes, prenant tout son sens accompagnés par la marche de son auditeur), pour s’avérer au fil des expériences renouvelées, un moment de communion de nouveau possible avec un groupe qui finissait par ne vouloir faire que la messe, sans se soucier du partage.

On saluera la participation de Peter Gabriel sur « Unconditional II (Race and Religion) », comme pour continuer après l’apparition de Bowie sur "Relfektor" à rendre hommage aux ayants droits (à quand David Byrne ?). On s’étonnera tout en s’en amusant du découpage en deux de quatre morceaux. On tombera raide dingue de « End of the Empire IV (Sagittarius A*) », chanson qui semble être portée par des anges à la douce perfidie. On entendra dans « Age of Anxiety II (Rabbit Hole) » ce qui aurait pu perdre le groupe récemment, mais ici, le poison est contrecarré par l’antidote qui anime le groupe depuis « Funeral ». On aimera la puissance évocatrice de « We » chanson de clôture dans une douce dystopie, un moment tout aussi fragile que démesurée dans l’amplitude de ses sentiments.

« We » de nouveau en vie après le chant du cygne, comme une façon de se dire que nous sommes encore en vie, que rien n’est impossible, même quand la raison qui l’emportera toujours, ne fera pas grand cas de cette parenthèse enchantée. Renaissance.




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