Certaines images nous marquent. Une nature d’image peut ainsi parfois changer à jamais la façon de rapporter la réalité du monde, orienter instinctivement la nature du récit. La mise en parallèle de l’artwork, de la vidéo qui accompagne le premier missile Grain Sand and Mud envoyé par /A\ renvoie immédiatement à celles, frappantes, ancrées dans nos souvenirs des missiles verts phosphorescents traversant la nuit irakienne au cours de l’opération Desert Storm en aout 1990 et amène instinctivement vers une des thématiques fortes que Emilie Zoé, Franz Treichler et Nicolas Pittet interrogent sur ce premier disque du projet.

Cette thématique du combat, la manière de le mener, son évolution et ses séquelles, atteint son point le plus explicite sur Fire in my Fingers, à la rythmique guitare, basse, batterie martiale et dévastatrice.

Deux morceaux entre cavalcade post-rock, et hybridation électro-industrielle tout en maitrise et puissance glaçante où se répondent les voix de Emilie Zoé d’une part et celle du leader des Young Gods de l’autre. Ce croisement des deux univers se développe également vers des orientations plus vastes et apaisées dépassant le cadre des deux titres martiaux précédemment évoqués. De l’ample progressivité de Hotel Stellar à la dérive envoutante presque tribale de The Leaves en passant par la balade apaisée Count to Ten qui permet de faire éclore la dimension infiniment émouvante de la voix de Emilie Zoé telle qu’elle nous avait mis KO sur The Very Start, l’arsenal sonore déployé impressionne par sa précision et finesse d’arrangements.

Ce contrepoint moins brut(al) du disque permet également d’extrapoler une lecture possible des textes plus intimes, de s’extraire du poids de nos imaginaires collectifs et des images de missiles lointains ou des drones qui envahissent nos écrans, de ne pas se satisfaire de notre position d’acteurs distanciés et de ramener ces derniers à nos combats plus proches, voire intimes comme We Travel The Light en offre un bel exemple, propulsant /A\ de /A\ dans la liste des disques sortis à la limite de nos épuisements du premier semestre qu’il ne faudrait pas laisser se perdre dans la parenthèse estivale : Essentiel.

/A\ Découvrir Absolument.