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« Rater, rater mieux encore … » chante Bertrand le Poète.

Quelle jolie phrase !

L’univers musical de Bertrand Betsch, au-delà de ce goût pour l’absurde (« pas de bras pas de chocolat ») s’est développé au fil des années. Il fait toujours partie de ces rares artistes français capables de vous réconcilier avec la chanson française actuelle si elle est synonyme pour vous d’oreilles qui saignent et de poussés de petits boutons qui grattent.

Bertand Boetsch est de ces artistes prolifiques (16 albums), qui au fil des années nous proposent quelques pépites à chaque album : « Vivre » aux paroles mélancoliques posées sur un piano classique accompagné d’une boîte à rythme appuyant encore la noirceur des mots est ainsi une chanson digne d’un Léo Ferré. Ce morceau fait partie d’autres chansons dans la discographie féconde de Bertrand Betsch qui laisse présager du jour (qu’on espère prochain) où la reconnaissance sera à la hauteur du travail et des propositions musicales de l’artiste.

A l’écoute des paroles de la plupart des morceaux de cet album "Orange Bleue amère" dont le titre nous renvoie à P. Eluard et son goût pour les métaphores pas si surréaliste, on lit une parenté entre les deux poètes. Car oui, Bertrand Boetsch est plus un poète musical qu’un chanteur. Peu de ses contemporains ormis Dominique A s’attache autant à l’écriture de ses textes.

Mais au fil des morceaux, vient cette touche d’inquiétude tout de même pour l’auteur, qui semble toujours proche de l’abîme, à la fois fasciné, effrayé mais toujours obsédé par la mort. Et comme avec une viel ami un peu trop triste, qui ayant atteint le seuil fatidique de la cinquantaine, réfléchit au temps qui passe, on a envie de prendre l’artiste par le bras, de l’emmener contre son gré courir sur une plage un jour de vent, pour courir et crier que oui, la vie est absurde, c’est certain, mais que c’est ce qui est drôle et qui fait qu’elle vaut d’être vécue. Qu’il ne rate rien, bien au contraire et qu’il a raison d’essayer encore et encore, car cette persévérance musicale depuis 1997 est admirable, remarquable, que ses fêlures nourrissent son œuvre et que sans toute cette mélancolie et ce cerveau qui fait des siennes en observant le monde à travers un prisme décalé, il serait quoi ?

Un gentil Vincent Delerm, sympathique, consensuel et finalement, il faut bien le dire un peu…ennuyeux.

Dans le morceau « Qui le sait », le musicien tente, sur une mélodie plutôt légère (un peu à la façon d’un Delerm… justement on parlait de lui), de répondre à la question « A quoi je sers ? ». Maos existe-t-il une réponse ? Sommes-nous censés servir, être utiles tels des objets ?

Dans une société qui met sur un piédestal la notion de rentabilité, qui décide quel métier est essentiel et lequel est non essentiel, en viendrait-on à glisser et à accepter ces notions comme un fait établi ?

Mais non ! Se poser, réfléchir, contempler, créer, reculer, rater, pleurer, attendre, recommencer, s’effondrer, se reconstruire, voilà ce qui fait la richesse de notre humanité et qui différencie l’artiste de la machine rentable et utile.