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On devrait tous faire une chronique de Bertrand, et plus encore, on devrait avoir un abonnement journaliste à ses sorties, une sorte d’obligation artistique à écrire sur lui, comme une thèse de fin d’université sur le bon gout et la sincérité. Ce n’est pas encenser gratuitement un artiste au-delà de tous les autres, c’est juste reconnaitre la valeur du travail de l’homme, sa volonté d’acier de continuer son chemin. J’ai lu dernièrement son entrevue sur cette même web, et je le redis et proclame, cet homme est un monument à la passion pour la chanson, le symbole, l’imagerie exacte du chanteur. Loin de moi l’idée qu’il soit l’omnipotent, le seul dieu sur le solfège, non, il n’est ni dieu, ni vraiment homme, un artiste dans ces billions d’artistes qui viennent de temps en temps toucher la fibre sensible, nous chavirer ou nous ouvrir les yeux, mais il est l’exemple, il est le logotype, parfois, dans les moments propices, je remets « Tout doux » sur la platine et m’émerveille de nouveau. Une fois encore il fait cet effort chevaleresque d’éditer son disque, le 4º par crowfunding, une manière d’être libre, et d’y glisser des chansons écrites la plupart depuis 2016, et donc continuation heureuse de « La vie apprivoisée ». Voici alors un disque de traversée, celle des années, des bougies sur le gâteau, qui atteignent ce si beau numéro 50, avec la nostalgie qui accompagne toujours le demi-siècle, ce retour en arrière en images, qui tente d’être encore enfance, qui tente la douceur, les petits bonheurs trouvés, et quelques petites écorchures aux genoux, puis au cœur. C’est un récapitulatif d’âges, doux-amer, calme et pausé, poétique (Bertrand rime avec poésie) et mélodique, les violons longs et les pianos éclatants. C’est aussi un album qui reprends les sonorités qu’il a crée toutes ces années, une compilation de tout ce que son talent de chanteur français a distillé durant ces années, et il y a là du bonheur, des espoirs, des amours dans la voix sage et douce de Bertrand (Les embardées est un hymne aux espérances). Bertrand, artiste farouche de volonté, continue dès maintenant sa route, il vient ici de fermer un chapitre tout en beauté de sa vie, avec ses jours de gloire et ses jours de travail alimentaire, mais il a offert jusqu’ici, une qualité de plus à la chanson française, celle de l’humilité, côte a côte des Souchon et Dominique A, à ce paysage encore enfantin et rêveur qu’est la musique, il a donné l’âge de raison, la beauté simple de la petite émotion, le plaisir de narrer bribes de vies comme poussières dans le faisceau du soleil de la vitre du « Bus 51 ». Voici ce qui c’est vécu dans ces années d’apprentissage des sensations sonoro-cardiaques, et l’on sent pourtant que l’homme a encore envie d’apprendre, de ressentir, d’aimer et de subir, souvent, ces deux choses là, vont main dans la main. À nous de lui souhaiter ce joyeux anniversaire et de ne pas oublier de préciser qu’il y en ait encore plus, de cet acabit, de cette force douce, de cette éblouissante mélancolie, de ce talent d’homme.