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ADA : Quelle est la genèse de ton projet musical Cabane ? Et après quelques années d’existence est-ce que cela correspond à l’idée que tu en avais au départ ?

Cabane : J’ai eu plusieurs vies. J’ai arrêté la musique pendant plusieurs années. Et en 2015, je me suis dit que c’était le moment de m’y remettre. J’ai vraiment ressenti le besoin de recommencer à composer. Et c’est à ce moment-là que l’idée de Cabane est née. Je suis reparti de la définition du mot cabane qui est un endroit temporaire dans lequel on peut se protéger des intempéries. Et ce qui m’avait touché, c’est que l’on pouvait donner plusieurs définitions à ce mot intempéries : le temps, l’émotion, la politique, le social…

Je suis très attaché à cette idée de temporaire et j’aimerais bien que Cabane reste un endroit temporaire. Là il y a un album qui sort mais je ne sais pas ce qu’il va se passer, il n’y a pas de plan. J’ai vraiment envie de travailler sur la rareté qui apparaît, qui disparaît…Et tout l’album a été envisagé comme ça.

C’est pour ça que cela ne correspond pas forcément à l’idée de départ car tout change, tout évolue. C’est ce que j’avais écrit dans le magazine Magic : tant que l’on n’a pas fini quelque chose, on ne fait que fantasmer sur ce que l’on aimerait faire. Et du coup il y a un grand apprentissage de la modestie. Au départ, je m’étais quand même fixé quelques objectifs précis : je ne voulais pas que cela soit un groupe, pas de batterie, pas de basse…Je voulais juste que Will chante, que Kate lui réponde, qu’il y est un chœur et que les cordes de Sean interviennent. Que l’on installe un dialogue dans cette histoire.

Crédit Photo : jean van cottom

ADA : A l’écoute de ton nouvel album « Grande est la maison », j’ai eu cette sensation que l’on ne pouvait pas dissocier les chansons les unes des autres, qu’elles formaient un tout. Et ce tout est emplit d’une beauté harmonique et rêveuse. Est-ce que cela s’est imposé à toi dès l’écriture des morceaux de créer un album et non juste une collection de chansons juxtaposées ?

Cabane : Oui exactement, cela me fait plaisir que tu dises ça. Pour moi ce que j’ai essayé de faire, mais j’estime ne pas y être parvenu, c’est de travailler sur des variations. C’est-à-dire cette idée qu’il y a une mélodie qui est reprise par des cordes puis chantée et transformée. Qui ne sera pas dans le même tempo, la même tonalité, les mêmes harmonies. Il y a cette idée de réflexion, de miroir…j’aime bien cette idée de mélanger un peu tout et que l’on ne sache plus très bien si on n’a pas déjà entendu cette mélodie quelque part.

Il y a par exemple un morceau chanté par Will et Kate et cette idée d’avoir déjà entendu ça mais ce n’est pas tout à fait la même chose et donc cela ne provoque pas la même émotion. J’aime bien travailler sur la mémoire, le souvenir.

Comme pour tout, il y a tout un travail de création et puis de mise en place des choses qui est un travail tout à fait différent. Je suis content de cette énergie qui dégage de cet album, qui est finalement est assez court. J’ai composé sur un long laps de temps du fait que c’est moi qui ai tout financé et aussi du fait que de vouloir travailler avec des gens comme Kate, Sean, Will, Caroline, Sam ce sont des personnes qui ont des agendas assez chargés. Et donc cela créé comme ça une espèce de lenteur. Mais c’est mon disque, c’est moi Cabane. Je me suis entouré de gens qui ont des compétences que je n’ai pas et c’est ça qui a fait que ce disque est celui-là.

ADA : J’ai rarement eu cette impression à l’écoute d’un disque : chaque voix, chaque instrument intervient comme une fulgurante évidence. La dernière fois que j’ai ressenti cela c’était en écoutant le disque du groupe La Rive. Pour toi est-ce que cela tient du miracle ou surtout à une parfaite osmose entre ton travail et celui de tous les intervenants du disque ?

Cabane : Je n’ai pas le même ressenti que toi par rapport à mon travail. La seule chose inhérente à tous les artistes c’est que l’on n’entendra jamais la musique comme on entendra celle des autres et ça s’est compliqué ! Parce que cette musique devient vraiment comme un poids. Ces mélodies que l’on a dans la tête, on essaye de faire du mieux que l’on peut…et à un moment on décide de les abandonner, c’est Cioran qui dit ça dans un de ces livres : « on ne termine pas quelque chose, on l’abandonne ».

Je n’ai pas l’impression d’avoir fait un truc parfait, j’ai fait du mieux que je pouvais avec ce que j’avais entre les mains à ce moment-là. En tout cas la seule chose dont je suis le plus fier c’est d’avoir réussi à terminer ce disque. Avec cette tonne de musiques qui nous est proposé, on en vient à oublier la difficulté de terminer quelque chose. C’est facile d’avoir une idée mais c’est compliqué de parvenir à son aboutissement et je connais énormément de musiciens plus talentueux que moi qui n’arrivent pas à terminer certaines choses. Et cela est vrai aussi pour des écrivains.

Mais moi je suis terriblement ému et heureux que ce disque sorte et cela va me permettre de faire autre chose dans ma vie. Il y a cette envie qui est là !

Crédit Photo : Elise Péroi

ADA : Est-ce que l’on va avoir la chance d’entendre vivre ces magnifiques chansons en live ? Si oui avec quelle formation ?

Cabane : On en revient à la première question, je veux que Cabane reste un projet très rare. Je n’ai pas du tout l’envie de faire une tournée mais plutôt faire quelques concerts et disparaître. Et peut-être revenir dans 5 ou 10 ans si je fais encore de la musique. J’aimerais qu’à chaque fois cela soit un geste créatif et artistique et que l’on évite le plus possible, même si c’est compliqué, tout ce travail commercial, ce travail de vendeur de n’importe quoi. Pour l’instant il y a 2 concerts de prévu, le 8 mai à Bruxelles et le 14 mai à Paris. Je n’ai pas du tout envie de refaire le disque, cela n’a aucun intérêt pour moi. Mais essayer de simplifier les choses, les rendre plus humaines ou plus justes pour moi. C’est-à-dire un peu comme quand je compose les morceaux : une guitare, un vibraphone, un clavier et des voix. On sera 3 ou 7 sur scène, je serais très ému d’être accompagné que par des femmes. Dans ce monde dirigé presque uniquement par des hommes, cela me ferait du bien que la présence de l’homme soit réduite.

Comme je le dis aussi, je ne suis pas un grand musicien. J’ai eu plein de vies mais je n’ai jamais vraiment passé beaucoup de temps à apprendre la technicité d’un instrument. Je sais composer, jouer mes chansons mais ça s’arrête là. En plus je n’ai pas l’impression d’avoir un charisme de dingue, j’ai plutôt l’impression d’avoir un charisme d’huître ou de patate ou de quiche ! Mais je serais très heureux de faire ces 2 concerts mais comme je le disais Cabane est un endroit temporaire pour se protéger et pour l’instant cette Cabane a sorti un disque.

J’ai tellement envie de faire autre chose : des photos, un documentaire, de composer…mais on verra bien ce qu’il va se passer.



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