> Critiques



Il y a une infinité de manière d’interpréter un disque, deux d’entre elles sont de la part des musiciens et de la part des auditeurs, et de là, les ramifications suivant émotions, histoires personales, froideur technique, influences, sociologie, prose poétique où sérénité rigoureuse, il y a ceux qui décortiquent et ceux qui rajoutent de la chair sur l’ossature, ceux qui en feront une bible et ceux qui en feront des buchers, toutes sont bonnes suivant l’amour porté au disque et / ou au groupe, toutes apportent leur cadrage, l’authenticité passionnelle de son écrivain, un champ de vue pour les angles morts nôtres. L’éditoriale Densité et sa collection " Discogonie" en a compris la substance, en ne cherchant justement d’être une collection, sinon une ouverture sans limite à la musicologie actuelle. Si je vous ai déjà parlé du livre sur Bashung et son "Fantaisie militaire" de Pierre Lemarchand me revoici enchanté par ce nouveau petit éclat sonoro-littéraire de la maison d’édition, et si le livre sur Bashung était a l’image de son protagoniste, poétique et sensoriel, celui qui s’imprègne du Violator de Dépêche mode écrit par François-Emmanuel Trapes est un exercice technique, sérieux, calculé, organisé et auriculaire... en aucun moment je parle de froideur, mais cela ne dérangerait ni le groupe ni l’étude. Ecrit dans une perspective de fan studieux, il vient nous apporter non pas des pourquoi, sinon des comment, le pourquoi des réseaux sonores, des variations singles-album, des retouches qu’ont posé ça-et-là les acteurs secondaires, un essai entrant, pénétrant dans le travail des membres et acolytes du groupe son a son (travail de titan quand il s’agit de DM. "Violator", le summum des gars de Basildon, chose sur laquelle je ne suis pas tellement d’accord, préférant "Songs of faith and devotion" (quel plaisir de pouvoir discuter du meilleur disque d’un groupe, là est l’ampleur du talent), je me suis souvent demandé, en gros fan de la machine DM, pourquoi cet engouement, pourquoi traiter "Enjoy the silence" mieux que "In your room", comme le hit total de Dépêche mode, je cède souvent a la masse, la démocratie sonique et accepte le pouvoir du violator (parce que "Clean" est grandiose et fortement lié a ma vie de cette époque), mais a remords, le must, économiquement et artistiquement, si tout le monde le dit, c’est celui-ci. D’où mon intérêt pour comprendre la puissance de cet opus, et la belle coïncidence de trouver ce livre. "Violator" est donc un tournant, a la par que renaissance, il s’agissait alors d’éviter l’accident, la fin, la vieillesse du groupe, la gangrène des eighties. Ce besoin se ressent dans tout cet essai, ce halètement de reconquérir, de refaire, recomposer, différemment, a plusieurs voix et sous plusieurs influences, je découvre le rapport Dépêche Mode- Pink floyd jusqu’ici pas décelé, ou encore l’effet Tangerine dream, moi qui ne voyait que par Kraftwerk, quand au blues, là oui, je ne me surprends pas, c’était dans l’air, ça suintait, le blues, suinte toujours. Régénérer, actualiser, de ces mots qui de nos jours ont pris l’ampleur informatique, était déjà a jour chez nos musiciens pour ne pas être ancien, il faut regarder en avant. Visionnaire, medium, sorcier, et il y a sans doute de cela dans ce disque (plus que dans black célébration dont le titre insinuait puis taisait), une envie de bannir le petit fléau drogue, d’avouer aussi, sans dire, sans rien vraiment dire, l’ambigu toujours bénéfique, et le pas donné est au-delà du musical, du sonore, même si l’écrivain touche surtout le thème mélodique et technique, il susurre le changement fait au niveau intime du groupe, qui pousse ses propres limites charnelles et spirituelles plus loin que l’on aurait supposé avec les disques antérieurs, Dépêche Mode entre dans les 90 humains plus que machines, cramés, accidentés, blessés et puissants, humains. "Violator" comprend donc que le futur passera par eux avant de passer dans les câbles et samplers, le tournant est pris. Il est intéressant de voir les rapports que tisse François-Emmanuel d’un disque a l’autre, là encore, il nous ouvre un autre chemin de quête, dans l’organisation même des chansons, les tracklist quasi sosies d’un disque a l’autre, et le rapport souvent infime entre un theme vieux et un nouveau, on sait donc que dépêche mode change sans changer, révolution lente, presque imperceptible, mais bouleversante. Dans son travail de fourmi, (pourtant le livre est court), il accumule des va-et-vient d’un single a sa version live, puis a la version album, puis aux remix, soulignant les différences techniques ou d’interprétation, la patte de l’un ou l’autre, l’intelligence du groupe pour trouver a chacun des supports la tonalité adéquate, savoir élire les nuances, les doses, la puissance ou faiblesse, jouant sur la voix, la longueur, le rythme. Intéressant aussi ce désossement chanson à chanson effectué, tout en gardant l’idée d’ensemble de la genèse du disque, il traite chaque chanson comme une œuvre a part, désarticulant, donnant à chacune une qualité différente, une vie propre.




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