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C’est déjà la 3ème fois qu’on se rend à Nîmes début juin, et pour tout dire, on s’y sent toujours aussi bien. La taille du festival, la programmation indie et l’ambiance très cool n’y sont sans doute pas pour rien.

Le festival démarre avec le concert du groupe Le Superhomard qui prodigue une pop douce à la Cardigans, une entrée en matière bien agréable. La chanteuse nous rappelle étrangement par son look Maud-Élisa aka Le Prince Miiaou. Le public arrive petit à petit sur le site devant la petite scène extérieure Mosquito, avec une belle proximité puisqu’il n’y a pas de crash barrière. Les Superhomard rejouent le soir même dans le patio, comme le feront plusieurs groupes sur ce festival pour laisser plusieurs occasions à tout le monde de les voir.

Nous poursuivons avec la conférence "L’indépendance à l’ère numérique" avec François Pachet et Mathieu Lambert qui a lieu sous la tente des ateliers en plein centre du festival. Ça parle de labels, de rémunérations, des changements dans la musique suite à la numérisation croissante à tous les échelons, c’est fort intéressant. Quelques poufs et cubes sont placés au sol pour accueillir le public, une seule enceinte permet tant bien que mal d’entendre les intervenants (tous ne savent pas tenir un micro correctement), ce qui n’est pas toujours aisé au milieu des larsens de la mini sono et du bruit ambiant. Ces conférences sont une première pour le festival et cet essai est à saluer, avec une bonne qualité des sujets et des conférenciers, même si l’organisation pourrait être revue (pitié une deuxième enceinte pour mieux entendre et éviter de pousser la sono à fond, réduire les larsens).

Sur la grande scène extérieure les Wallows prennent la relève. Ils sont beaux, ils sont jeunes, les fans adolescentes ne s’y trompent pas et se ruent aux premières loges pour hurler de plaisir au son du pop rock 90s de leur chanteur préféré Dylan Minette (ça ne s’invente pas !) qui, nous souffle-t-on dans l’oreillette joue dans la série Netflix « 13 Reasons Why » (Ne me dites pas que c’est pas vrai !!!). Le chant est parfois un peu approximatif, ça n’est pas forcément hyper original musicalement… En dégustant une délicieuse assiette végé au food truck « la cambuse », nous assistons à leur (bonne) reprise de The Cure « Boys don’t cry ». On a même pris un moelleux au chocolat pour fêter ça ! Notons tout de même que quelques heures auparavant, dans le train nous menant à Nîmes, nous avions pu regarder The Cure en direct de l’opéra de Sydney, pour un concert exceptionnel à l’occasion des 30 ans de l’album culte "Disintegration". Alors bon, si on nous prend par les sentiments, hein, Wallows !

On l’attendait impatiemment depuis longtemps, on nous en avait dit le plus grand bien côté scène, et on avait failli la voir l’année dernière au TINALS, mais elle avait annulé sa tournée peu avant le festival. Aldous Harding, la seule, la vraie, entre en scène toute de blanc vêtue, bien entourée de ses musicien·ne·s. Sa maitrise vocale et de la guitare est impeccable, ses mimiques et poses très théâtralisées et maniérées la rendent attachante. C’est un personnage qui ne laisse pas indifférent, qui occupe la scène et l’attention comme personne. Accompagnée par un groupe parfait (et effacé, à part la clavieriste), on regrette un tantinet qu’elle ne lâche pas un peu plus prise, surtout au niveau de la voix, puisqu’on n’a droit qu’à une seule envolée lyrique parfaitement exécutée qui fait tellement du bien, et nous on aime qu’on nous fasse du bien, un peu de rab n’aurait rien gâché. Est-ce dû aux morceaux du dernier album – joués en majorité ce soir – un peu plus guillerets ? Beau concert mais qui manque singulièrement de relief.

Las, les aléas de la programmation (snif) font que Black Midi joue pile poil en même temps que Aldous Harding. Il a donc fallu faire un choix, et comme on avait pu les découvrir au festival Génériq en février à Dijon (on s’était d’ailleurs pris une bonne grosse claque à cette occasion), on a préféré donner la priorité à Aldous mais on aurait adoré les revoir.

On poursuit sur la grande scène extérieure avec The Inspector Cluzo, revenus de peu d’une tournée aux US, qui tiennent la scène comme jamais avec leur rock "agricole" (ils revendiquent leur statut de fermiers, en dehors de leur projet musical). Duo batterie guitare explosif, leur rock’n roll à tendance lourde et blues emballe le public et les envolées quasi lyriques en voix de tête du chanteur enflamment les esprits les plus placides.

En bons habitués du festival, Shellac nous offre un concert puissant et libérateur. "Riding bikes", la chanson au cri primal repris par la salle entière est une thérapie à elle seule, ça stage-dive à qui mieux mieux. Même si on les a connu plus en verve, c’est toujours un bonheur d’écouter leur son impeccablement tranchant et leurs "tubes" qui secouent juste ce qu’il faut. Ils jouent pas mal de nouveaux morceaux très convaincants (un nouvel album semble être dans les tuyaux), mais aussi quelques pépites attendues comme "My Black Ass" (Rhaaaa c’est bon !) ou "Wingwalker" en scandant « I’m a plane » et ma foi, ils font encore très bien l’avion sur scène.

On fait l’impasse sur Messthetics qui, bien que comportant 2 ex-Fugazi, est loin d’avoir le sens de la retenue, avec ses débauches de solos de guitare…

On n’avait pas encore eu l’occasion de le voir, bien que son nom ne nous était bien sûr pas inconnu, Kurt Vile a été pour nous la révélation de ce jour. Accompagné de « The violators », cheveux dans le vent, son rock aux accents country (mais pas que) avec un son crade juste ce qu’il faut nous ravi. Kurt déploie sa panoplie gigantissime de guitares, et même un banjo, pour nous délivrer une musique inventive et intense. Brillant !

Nous nous remettons à peine de nos émotions que le mur sonore de Built to Spill nous arrive à pleine vitesse. Pas le temps de s’écarter, nous faisons front aux assauts de la guitare épileptique, accompagnée d’un délai à bandes trituré plus que de raison. Doug Martsch a beau porter un t-shirt chat très mignon, il est de loin le plus enragé de la bande : le bassiste bouge peu et est très concentré, tout comme les 2 autres compères à la guitare et batterie, plus jeunes, et qu’on sent moins impliqués. Ils font le job, mais n’étant pas fan de la première heure du groupe, le concert ne nous laissera pas un grand souvenir.

Nous terminons cette soirée aux accords de Fat White Family qui déploient leur armada avec 7 musiciens alignés sur scène. Elle est grande cette familia, emmenée par le chanteur leader qui se retrouve bien vite torse nu à arpenter la scène pour le plus grand plaisir d’un public venu assister à un des concerts débridés dont le festival a le secret. La (grosse) fatigue nous fait rentrer avant la fin du set… rendez-vous demain !