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Dead in 1985 ! Ainsi s’affiche le groupe mené par Christophe Ursot-Pourrier (auteur, compositeur et interprète). Premier EP autoproduit, Hyperfréquentiel puise dans l’allégeance 80’s mais préfère en trahir les fondements. Trop intime, cette musique se planque dans l’anglais, pour soudainement investir un français sale, méchant, dangereusement personnel. Musicalement, idem : 80’s ? Certes. Mais avec cette distance brechtienne propre aux musiciens ayant des choses à dire. En attendant la suite, Christophe Ursot-Pourrier, l’œil du lynx, répond à nos questions. Années 80 trompeuses.

ADA : À quand remonte la formation de Dead in 1985 et pourquoi cet amour des 80’s ?

La formation remonte à février/mars 2013, nous avions des projets très éloignés musicalement. Je commençais à composer de plus en plus sur ordi et j’avais quelques morceaux disponibles mais il me manquait de la méthode. J’ai pensé à Cécil que je connaissais un tout petit peu … Je ne sais pas pourquoi je me suis dirigé vers lui, c’est comme ça … Je lui ai fait écouter mes maquettes et nous avons donc pu commencer à arranger mes morceaux, les modeler afin de soigner la production. Le partage est primordial pour moi, c’est toujours bien d’avoir une autre vision pour prendre du recul. Je ne suis pas à l’aise dans des projets solos, cela ne me correspond pas. Cela doit être lié à mes dix années de pratique de pétanque en doublette, jamais en simple.

Les années 80, c’est mon enfance, c’est le Club Dorothée avec les génériques épiques nourris de synthés, de boîtes à rythme. C’est le Best Of d’Orchestral Manœuvre in the Dark de mon père que j’écoutais en boucle. C’est aussi le mauvais goût poussé à l’extrême et ça me plait. Pour les gens de ma génération, les années 80 c’était un peu, en termes de musique ou de culture, la décennie à oublier. Il suffit de voir toutes les parodies cyniques qui en ont été faites pour s’en rendre compte. C’est vraiment récent ce revival 80’s, il a fallu digérer cette décennie pour se rendre compte qu’il y avait quand même des supers trucs. Personnellement, j’adore et cela m’éclate vraiment !

ADA : Dead in 1985 me donne la sensation d’un groupe fonctionnant sur les masques : vous jouez des compos d’obédience synth-pop (mais pas que), sauf que les mots que vous chantez sont très modernes, très urbains. Y a-t-il, chez vous, une idée de contrastes ? D’ironie envers cette allégeance 80’s dont vous parlez également dans la note d’intention présentant votre projet musical ?

Personne ne peut catégoriquement se définir précisément, même si la plupart des gens le pensent. Je crois que le fait d’assumer sa part d’ombre fait peur, pas à moi. C’est cette part que j’utilise pour écrire. J’aime la légèreté autant que la profondeur. J’ai besoin de croire en mes textes, d’en être fier et de dire quelque chose. Il y a aussi une envie de provoquer.

Je ne pense pas que l’on fasse preuve d’ironie, je crois que Dead In 1985 aime vraiment tout ça. Il y a quelque chose de grandiose et d’épique dans toute l’imagerie 80’s et nous essayons de retranscrire cela. On n’a pas peur d’en faire trop … C’est toujours mieux que pas assez ! Musicalement, il n’y a jamais eu de cahier des charges, on aurait pu faire autre chose, je pense. Mais il s’est avéré que notre collaboration fonctionne dans ce registre.

Pour ce qui est des textes, c’est différent. Je savais quel ton je voulais employer, comment je le ferai et quels thèmes aborder. Notamment le rapport à l’enfance, les peurs et angoisses qui en sont liées, la nostalgie qui en découle et qui empêche souvent d’avancer lorsque celle-ci est trop présente ; et bien sûr la Mort, qui est sur la première marche du podium dans Hyperfréquentiel. Le tout dans une ambiance dansante et décalée, et peut-être absurde ...

ADA : Beaucoup de groupes contemporains se contentent de dupliquer les recettes 80’s. Pas vous. Vous modelez diverses sonorités issues des années 80, mais, me semble-t-il, ces dernières s’adaptent à un univers très intime. À partir de quand les influences, chez vous, durant le stade d’écriture, s’oublient face au besoin de créer votre propre univers, vos propres sonorités ?

Je pourrais répondre : les recettes c’est pour la cuisine ! Mais ce serait hors de propos.

Sérieusement, je n’en ai en aucune idée. On écrit très vite du fait qu’on est séparés de plusieurs centaines de kilomètres. Lorsque nous nous retrouvons, nous ne faisons que ça sur un laps de temps donné et plutôt court. Nous ne calculons pas et faisons ce que nous voulons, sincèrement. Il n’y a pas chez nous d’opportunisme ou d’ambition démesurée. On fait les choses comme on a envie sans se poser de questions, on écrit des choses qui nous plaisent. Après ça plaît, ça ne plaît pas, ce n’est pas de notre ressort. En tout cas, on n’applique pas de recettes, plus à notre âge ! Du plaisir avant tout, ce qui se perd souvent quand on a trop d’attentes sur un projet.

ADA : Pourquoi mélanger anglais et français ? Vous êtes très bons dans la langue de Molière. Je trouve également vos mots français génialement intimes, violents, sans frime – l’idéal en France ! Je vais vous embêter mais je ne trouve pas l’emploi de l’anglais utile chez vous. Vous ne devriez écrire qu’en français tellement vous êtes bons. À ce stade, doutiez-vous de l’utilisation du français sur Hyperfréquentiel, jusqu’à vous protéger (sur certains titres) dans la langue de Shakespeare ? Ou bien cet EP cherche-t-il à poser différentes bases, divers horizons à ensuite exploiter ?

Merci beaucoup pour le compliment ! C’était loin d’être évident. Les premiers morceaux que j’avais écrits pour le projet étaient tous en Anglais, j’ai plus l’habitude et je trouve que la manière d’écrire est vraiment très différente. De plus, mon vécu et mon histoire musicale font que c’était beaucoup plus évident pour moi.

Mais à un moment, j’ai eu envie de partager, qu’on me comprenne et trouve un écho à mes paroles.

Je commence seulement à assumer ma voix chantée en Français… Par contre, j’assume entièrement les textes parce que c’est un choix de ma part de provoquer, de me livrer, de ne pas contourner … Par exemple, je trouve flatteur le malaise que peut inspirer un morceau comme A quoi Bon auprès des personnes qui écoutent l’EP. J’aimerais n’écrire qu’en français pour les prochains morceaux mais cela dépendra aussi un petit peu des instrus. C’est bien aussi d’avoir le choix.

ADA : Après cet EP, des concerts ? Un album ?

Nous faisons notre release officielle le Jeudi 08 Novembre dans les locaux de Radio Activ’ à Saint-Brieuc et avons la chance faire de faire une résidence les quatre jours précédents pour préparer le Live. Nous travaillons actuellement sur d’autres morceaux pour étoffer notre Set.

Cela nous permettra d’avoir déjà assez de morceaux pour un autre EP. Mais cela n’est pas d’actualité. On a déjà pas mal de boulot sur Hyperfréquentiel… On va bien faire les choses puis on verra ensuite pour les concerts.

ADA : Qu’écoutez-vous en ce moment ? Des artistes, des albums, des chansons qui vous parlent depuis le début 2018 ?

Je ne suis pas à l’affût des nouveautés, je découvre des choses surtout par le bouche à oreille, par des séries que je regarde, j’écoute très peu la radio, je ne télécharge pas de musique et n’achète plus de Cds. Je me rends compte que j’écoute finalement les mêmes choses depuis des années, en vrac selon les envies … Mon dernier coup de cœur est Grouplove que j’ai découvert en regardant Bojack Horseman, et peut-être aussi le morceau Apocalypse de Cigarettes After Sex.

Hyperfréquentiel est disponible le 07 Novembre 2018 en téléchargement à prix libre ou en format CD sur la page Bandcamp du groupe :



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