« Il ne faut quand même pas être trop net pour aimer cette musique », c’est , sans trahir sa pensée, ce que me disait un des chroniqueurs d’ADA avec qui je conversais par mail sur les sorties de début septembre, et donc ce nouvel album de Liars.
Alors qu’elle aurait pu être blessante, cette remarque m’a déjà conforté sur un état mental pas vraiment en adéquation avec ce qui ce fait de mieux dans notre société au sommet de laquelle il y a des raisons de penser que l’écoute de la discographie de Liars pourrait lui faire du bien. Elle m’a aussi confirmé que cette musique n’était définitivement pas comme les autres, et que la perception que nous pouvons en avoir peut être aux antipodes de ce que la critique conventionnelle faisant autorité écrit.
Soyons directs, Liars me fait danser, comme on danse quand on sort d’une chute dans une forêt d’orties. Liars me fait peur comme David Lynch peut, c’est à dire avec un rire franc et massive car derrière tout cela l’humour est aux manettes. Liars pour finir me fait pleurer, me donne la chair de poule, car derrière la transe, les lignes mélodiques concassées, les radiations sonores, il y a une émotion blanche et terrible, et le chant de Angus Andrew n’est pas étranger à cela (« Cliché Suite » fera pleurer ma famille sur plusieurs générations pour peu que le macronisme ne devienne pas la norme dans les décennies à venir).
Quand sont arrivées les premières informations sur ce nouvel album de Liars, la surprise et l’impatience renvoyèrent le scepticisme dans le désert de « Everything Now ». Le nom de l’album, que j’avais assez naïvemement relayé à un possible hommage à Pascal Dupraz sauveur du TFC (quid du F, car comme disait Desproges, F on s’en fout) aiguisait ma curiosité (bon en vrai cela veut dire Theme From Crying Fountain). La pochette elle m’a d’abord incité à contacter le management du groupe afin de lui proposer un des graphistes des compilations ADA, puis m’a rassuré sur ma propension à rater mes choix en matière de police de caractère. Sur cette pochette Angus Andrew exprime par son regard son étonnement face à notre possible interrogation. Ben oui quoi pourquoi ce grand echala ne pourrait pas se présenter en robe de mariée avec un gâteau à la fraise comme dessert ? Pourquoi ne pas essayer de démonter le rubik cube que peut être la musique, pour le remonter dans une forme triangulaire ? Pourquoi ne pas signer le tube le plus imparable et improbable avec « No Tree No Branch », sorte de ballade folk sous excitant. Pourquoi ne pas utiliser sa boite à sons, reprendre, piocher dans son passé des morceaux de tapis afin d’illustrer une intro, de se rouler dedans. Pourquoi ne pas considérer qu’une mélodie a le droit de ne faire surface qu’après avoir eu la tête place sous l’eau par un bras musclé ?
Pourquoi ne pas considérer Liars comme l’un des groupes les plus importants de ces 15 dernières années, car si les faux génies finissent dans des bouteilles que nous frottons, les Liars sont des vrais génies, sans contrainte, sans ancre, juste avec l’envie et le désir d’avancer dans une forêt hostile certes, mais foisonnante. Impossible de vous mentir, ce disque et ce groupe sont importants.