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Gros mot de notre ministre de l’intérieur actuel, celui ci rimant avec vitesse et avec mort, l’accident est souvent le choc de deux entités mobiles, ou d’au moins une quand le mur joue le rôle du compagnon de jeu. L’accident qui nous intéresse à lieu tout à la fois entre une époque moderne et une plus ancienne, celle des années 80, mais également entre le mainstream et l’underground. Comme c’est si bien le faire Tarantino dans le cinéma, le duo composé de Laurent Maudoux et Jeremy Monteiro tente et transforme un essais, tout à la fois décalé, anachronique et, allons y, lâchons le mot audacieux, mot qui ne peut s’employer que face à un enfant, mais pas trop pour une bonne majorité de la production musicale actuelle, bonne certes mais pas audacieuse.

Balayons les références, Jacno, Devo, Suicide, Partenaire Particulier, Indochine, Depeche Mode pour ne citer que ceux qui viennent à la tête alors que mon train vient d’éviter la collision avec le mur du non son. Parlons de « l’assumation » de l’envie d’être écouté par le plus grand nombre, en y glissant des messages pour le coup totalement en adéquation avec le public que le duo touchera en fin de compte, les trentenaires ou quadras qui ont toujours un album de Bauhaus sur la table de nuit, et les rêves de drague sur les morceaux de Tears For Fears, le clearasil dans la poche arrière du jean 501. Commençons par le meilleur. « Voyage Au Bout De L’Enfer », introduction avec un sample de « Voyage Au Bout De L’Enfer » puis le titre explose vers quelque chose de fantastique un titre que Brian Ferry pourrait reprendre en duo avec Daniel Darc entre le paradis et l’enfer. Ce titre surclasse tout et dégomme la concurrence. On se surprend à danser sur ce disque, le pas aérien. Une façon tout a la fois précieuse et distanciée de chanter. Sur « Voyage Au Bout De L’Enfer », on frise le génie dans la théâtralité amenée a ce titre. On est entre Faust et le Mc Phisto ironique d’un Bono pour une fois attachant. Ce titre est comme une marche gaie vers les flammes, probablement au panthéon de mon année ipodesque, écrasant tout par son nombre d’écoute, Autre grand moment, « 3eme Ballade Mondiale », titre que vous pouvez entendre sur ADA volume 23. Après « Pour la fin du monde, prend ta valise et va sur la montagne on t’attend » de Gérard Palaprat, Accident nous propose rien qu’une ballade, avec un sourire cynique à l’appui. Comme si Cure et New Order signait une chanson pour la fin du monde. Géant. Que dire de « Sur Tes Lèvres », un titre sortant des bouches d’aération de New York, un flux aérien rencontrant un plus brutal. Il y a du Basquiat dans ce titre, un choc de plus, profond et brutal.

Si ces trois titres plantent un décors qui pourraient suffire aux déclencheurs de hype pour se jeter sur Accident comme une mouche sur une merguez desséchée, le reste du disque pourrait définitivement convaincre le lectorat d’ADA (existe t’il encore) de prôner Accident pour le reste de l’année. Le décor est dessiné dés « Vert, Bleu, Noir ». .Nous sommes dans les années 80. L’électronique cheap, le son sec, et une rythmique que Cure ne renierait pas. Nostalgie en appel. Le numérique n’aurait pas la même poésie. Quand le verbe est obsolète, Accident le chasse, et nous n’en voyons pas le problème. Le verbe est d’ailleurs français, mais quand les ombres tutélaires viennent de la perfide Albion ou de la Big Apple, il est normal d’en reprendre la langue (Marjoram). Si les guitares sont de la partie, elles peuvent être douchées par l’électronique, comme sur « Crazy Bodies », rencontre de Rodolphe Burger avec Devo. Avec « Idole Particulier » on est loin des partenaires, même si le refrain n’est pas sans rappeler les essais visqueux des ersatz des années 80 dans une France qui se cherche dans les pixels. Accident a même son tube, « Pas Vraiment ». Ludique, il voit resurgir Jacno, alors que le prince est sanctifié par une partie de la scène actuelle. L’autre gloire morte française à être suggéré, c’est Gainsbourg, par le prisme de son dernier et catastrophique album. « You’re Under Arrest » trouve enfin un écho dans la musique avec une versionplus sombre de « Crazy Bodies », cette amnésie est lourde de sens, elle est le choc après l’impact, quand on se regarde partir. Et l’accident le plus dangereux fera la collision entre Joy Division et Depeche Mode sur « Cry And Sight ». Les secours ne se déplaceront pas, les protagonistes se sont volatilisés comme dans anges.

Après une telle collision on devrait pouvoir compter les voyeurs habituels, quand la mort rode de si prêt, et à peu de frais. Nous devrions aussi pourvoir compter sur les adorateurs de la nostalgie des tableaux de bord vierge d’airbag. Et surtout nous serions heureux de compter sur les cascadeurs de la musique, qui savent attendre multiples crash test avant de valider une note artistique de haute tenue. Accident mérite le choc. Le crash de l’année.