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Après quelques éditions manquées, en raison principalement de concerts programmés en semaine depuis 2007, difficile de retrouver ses repères tant l’organisation du festival a été modifiée. Après avoir été chercher notre foutu bracelet à de longs hectomètres du fort, nous arrivons pile à l’heure pour les premiers accords de Crystal Stilts. Saluons donc le service logistique qui nous a fait poiroter trois-quarts d’heure pour la traditionnelle fouille, plus stricte qu’à l’accoutumée. Trop cool, comme ça, quand on pénètre enfin dans l’enceinte du fort, Crystal Stilts a fini son show ! De quoi être frustrés et ce n’est pas la bière coupée à l’eau qui va nous remonter le moral. Passons. On s’approche de la scène pour mieux percevoir la plus grosse déception des trois jours, à savoir Deerhunter. Doué sur disque mais peux mieux faire sur scène serait-on tenté de dire. Il est vrai qu’avec un son surchargé en basses (qui laisse présager le pire pour My Bloody Valentine) et des musiciens adoptant la pose parfaite du shoegazer (yeux rivés sur les pédales, posture statique), la prestation resta brouillonne et anecdotique, excepté sur le rythmé Nothing Ever Happened. A oublier donc. Après les controversés My Bloody Valentine (qu’on apprécie beaucoup mieux sans les protections auditives, soit dit en passant), place au trio A Place To Bury Strangers, dont le tort fut simplement d’être programmé après la bande à Kevin Shields. Car évidemment, ceux qui n’aiment pas le bruit en furent encore pour leurs frais. Pourtant, Oliver Ackermann, Jay Space et Jono Mofo livrèrent ce soir-là l’un des meilleurs set de cette édition 2009, n’en déplaise aux quelques râleurs qui trouveront à redire à ces quarante minutes de noise saturée mais sans excès et parfaitement audible, conçue quelque part entre Jesus And Marie Chain et My Bloody Valentine justement. Et oui, APTBS a sans doute été victime d’un certain ras le bol des festivaliers peinant à se remettre des déflagrations sonores du précédent concert. Il n’empêche, l’énergie déployée par le trio notamment sur le final (Ocean) fut plutôt chose rare lors de cette collection d’été et objectivement, APTBS a sans conteste le statut de « bête de scène ». Après l’annulation de dernière minute des miteux The Horrors, ce sont aux Australiens de Snowman qu’incombait la lourde tâche de maintenir éveillés des festivaliers devenus sourds et curieusement complètement ivres. Mais bon, personnellement, j’étais parti me coucher. Dommage, ça avait l’air bien. Paraît d’ailleurs qu’ils ont failli être annulés eux aussi. Un comble.

Après l’expérience St Vincent, place à Papercuts et à sa pop rêveuse. Rappelant autant Grandaddy que Galaxie 500 au niveau du timbre, le quatuor emmené par Jason Quever (et son clavieriste ultra sexy) enchaîne des mélodies folk paisibles et élégantes que le public apprécie largement, tant cette douceur tranche avec la violence sonique de la veille. Plaisant. C’est au tour de Camera Obscura de monter sur scène. Et hormis une introduction évoquant vaguement Slowdive, pas grand chose à se mettre sous la dent. Cette pop polie est sans doute plus facile à digérer seul chez soi, un bouquin à la main et une bière dans l’autre. N’est pas Belle & Sebastian qui veut. Petite frayeur en coulisse, Alison Mosshart, la moitié de The Kills, est malade et pas sûre de tenir sa place. Mais en dépit de quelques ratés et problèmes techniques, le duo allait gâter l’auditoire avec un show rock certes court, mais musclé et efficace. Pas avare de déhanchements, The Kills puisa essentiellement dans son dernier album, le dynamique Midnight Boom pour libérer une assistance plutôt mollassonne et flegmatique depuis le début de cette 19ème édition. Pour clore cette soirée, les organisateurs ont fait appel à l’ex-Fridge Kieran Hebden. Délicat pari car Four Tet est surtout un projet centré sur l’électronica, soit le versant non dansant de la techno. Après un début de set catastrophique dû au mauvais état des enceintes (merci qui ?) durant lequel l’excellent Ringer fut pour le moins sabordé, Four Tet va progressivement redresser la barre à coup de boucles lancinantes et de basses puissantes constituant au fur et à mesure des thèmes musicaux qui s’entremêlent ensuite les uns aux autres. Une bonne initiative en somme, sauf pour ceux qui pensait voir le fort St Père se métamorphoser en dance-floor. Pour ouvrir le dernier acte du festival malouin, Rock Tympans a pensé à Bill Callahan. Un choix plutôt curieux car on aurait tendance à le programmer au palais, une salle plutôt intimiste et de ce fait plus appropriée à l’univers dépressif du songwriter. Peu importe, quel que soit le lieu, Bill Callahan a le don de séduire son monde avec des complaintes lumineuses qui tranchent avec sa voix de baryton, tel un Kurt Wagner (Lambchop). Suivi et attendu par une large part du public (en témoigne le silence de cathédrale qui règne entre chaque morceaux), l’exigeant Bill Callahan revisite le répertoire qu’il a forgé avec son Smog (Our Anniversary, Say Valley Maker) sans oublier d’y agréger les perles qui ornent ces deux opus sortis sous son patronyme (Jim Cain, Too Many Birds ou encore Diamond Dancer...). Magnifié par la présence d’une section à cordes, cet instant de rêve éveillé prendra fin un peu trop tôt, le poète se retirant sous des applaudissements nourris, preuve qu’un artiste pas rock’n’roll de prime abord peut susciter l’engouement général. Cette 19ème édition s’achève avec Autokratz, une autre formation résolument tournée vers les machines et l’électronique. Alors oui, le chant n’est pas toujours exact et même un peu risible par moment mais la formule du duo se révèle explosive bien que répétitive. Bande son idéale d’une fin de festival, Autokratz retourne le fort en piste dansante, donnant ainsi l’occasion aux derniers courageux de se vider les tripes. Visiblement heureux d’avoir été conviés, contrairement aux timides Shoegazers, le duo se paiera même le luxe de perdre un micro et de conclure par le légendaire Swastika Eyes de Primal Scream. La preuve qu’ADA a bien roulé jusqu’au bout de la route du rock !

Photos : Antoine Mairé



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