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Paris et sa région jouent décidément les apprenties sorcières. Après s’être fait une plage sans avoir la mer, la capitale s’est dotée d’un festival de rock sans champs ni camping et auquel on accède en métro !

Avec des têtes d’affiches dignes des plus grands festivals européens (White Stripes, Muse ou les Chemical Brothers), Rock en Seine joue dès sa deuxième édition dans la cour des très grands.

Installer dans le bas du parc de Saint-Cloud, le site est un grand rectangle d’herbe qui s’étend sur presque un kilomètre. Il faudra bien ça pour séparer les kilowatts de sono de la très grande scène (20 000 personnes ?) installée à une extrémité, de ceux de la petite scène (800 personnes ?) installée de l’autre. Entre les deux, un bosquet dans lequel le Conseil Général d’Ile de France a décidé de planter une kermesse où les sites de préventions en tout genre côtoient les cabanes à frites et une exposition de très belles photos rock.

Je ne sais pas si c’est l’ambiance kermesse ou l’arrivée en métro, mais il me faudra un certain temps pour rentrer dans l’ambiance du festival. En fait une des particularités du festival c’est qu’il faut un " certain temps " pour tout. 1 heure pour rentrer sur le site, 10 minutes pour traverser le rectangle et aller d’une scène à l’autre, 15 minutes pour avoir une bière, autant pour accéder aux toilettes pour la faire passer… Tout cela est d’autant plus gênant que les horaires des concerts sur les deux scènes se chevauchent et qu’il est donc impossible de tout voir. Passons rapidement ces petits désagréments d’une organisation encore jeune.

Alors que l’été n’a pas été aussi beau que prévu et que la semaine a été particulièrement grise et humide, Rock en Seine semble avoir conjuré la première malédiction d’un festival : la météo est au très beau. En revanche l’autre malédiction (l’annulation d’artiste) n’a pu être conjurée : Morissey annoncé lors de la mise en vente des billets s’était retiré très rapidement, Mike Patton a un empêchement et mauvaise surprise de dernière minute, le batteur des Black Rebel Motorcycle Club s’étant fâché avec le guitariste, ils sont remplacés par Melissa Auf Der Maur. Muse est aussi passé à deux doigts du forfait, le bassiste s’étant cassé le sien deux semaines plus tôt en jouant au foot sur la tournée de The Cure aux Etats-Unis. Heureusement, ou pas selon les avis, il a pu être remplacé par celui de The Street.

Vendredi 27 août

C’est Blanche, groupe ami des White Stripes, qui a la lourde tâche d’ouvrir le festival. Bien sapés, ils feront un concert bien joué, mais le joueur de banjo a tout juste le temps de poser son instrument que je m’en vais vers la grande scène pour voir les Flogging Molly. Même si je n’ai pas vraiment accroché avec la musique retro folk assez pointu de Blanche, le contraste est trop violent avec ce septuor californien qui joue de la musique de pub parce qu’ils ont de vagues origines irlandaises. Très à l’aise sur la grande scène, ce groupe un peu bourrin doit l’être partout pourvu que le public ait à boire.

Retour anticipé sur la petite scène pour aller découvrir Wax Poetic, un groupe New Yorkais plus habitué des clubs de Jazz ou des grandes stars internationales. Ils rentrent tout juste d’Istanbul où ils ont ouvert pour Iggy Pop et ils ont participés à l’album de Norah Jones. Même impression que pour Blanche, ils sont bien sapés, leur musique est inspirée, mais je passe encore à côté, mais si ce coup ci je n’étais pas loin.

Décidant de ne pas me laisser prendre par l’éclectisme de la programmation, d’autres parlent déjà d’incohérence, je reste sur la petite scène pour voir Electrelane, premier groupe de la journée que j’attends vraiment. La prestation est parfaite même si c’est la première fois qu’elles jouent avec leur nouvelle bassiste. Au bout de quatre titres le public est conquis par ce groupe de filles qui jouent une pop rock aussi touchante que puissante. Je reste jusqu’au bout et prends le risque de rater The Roots pourtant très attendu par de nombreux festivaliers. Je ne saurais pas non plus à quoi ressemble Yann Destal, j’ai rendez-vous avec Daniel Darc pour une interview.

La (plus vraiment) jeunesse sonique a déjà attaqué la grande scène quand je retourne dans le monde de Rock en Seine. Attaque au sens propre puisqu’un moniteur de retour s’est vu éjecté de la scène par le guitariste décidément très fougueux. Le show est époustouflant et bruyant. Qu’il vente ou qu’il pleuve on voudrait que cette furie électrique ne s’arrête jamais. Comme pour venir le confirmer, il bruine et en effet on voudrait que ça ne s’arrête pas ou alors seulement pour aller voir Daniel Darc l’écorché.

Autre doyen de ce festival, Daniel Darc est fragile et captivant. Après quelques minutes une partie du public est suspendue à ses paroles douloureuses alors que l’autre s’en va voir les White Stripes sur la grande scène. Et c’est une bonne chose car Daniel Darc se déguste entre amies dans un cadre intime. Quitte à rester entre amis, autant faire la fête, un petit " Chercher le garçon " en rappel, nous rappèle alors que le temps a passé, mais pas nous.

Les White Stripes n’ont pas encore joué tous leurs tubes sur la grande scène noire de monde. Les chiffres de fréquentations du festival ne sont pas encore connus mais c’est manifestement un succès. On n’en dira pas autant de la prestation de Meg et de Jack qui font une prestation très minimum syndicale : le jeu de scène est impeccable mais semble répété. Juste une mention spéciale aux roadies tout droit sorties d’Orange Mécanique. Ceux qui les ont déjà vus sont déçus, les autres ne comprennent pas tout le buzz autour de ce groupe qui semble avoir tout vu et tout fait.

La vraie déception de la soirée viendra néanmoins du set des Chemical Brothers dont j’apprécie beaucoup la musique chez moi, en voiture ou pour danser mais pas sur scène. Il ne s’y passe rien, les deux frères chimiques lancent des boucles et des samples sur fond de projections vidéos. La présence d’un vrai groupe, batterie, percussion, guitares, voire chanteurs aurait donné une autre dimension à leurs morceaux et un véritable intérêt à leur présence à Rock en Seine.

Samedi 28 août

Il a plu toute la nuit et le terrain est assez boueux. Kaolin a commencé sur la petite scène, le peu que j’en vois, confirme l’impression que j’ai eue en écoutant leur album, pas très bonne. Colour of Fire prendront leur relève. J’apprécie déjà la plus grande cohérence de la programmation par rapport à la veille. En effet ces deux premiers groupes ont en commun un son très produit, même en concert, et une attitude très fabriquée. Tout comme le gagnant de la dernière Star’Ac ils apportent un soupçon de rock à la variété, mais ça reste de la variété.

Les artistes de la grande scène se ressemblent aussi. D’abord Nosfell, artiste solitaire, qui fait penser à un barde celte passé par l’école du cirque. Puis Buck 65, canadien solitaire aussi, mais au parcours plus urbain : hip hop blanc et café théâtre.

OK, je ne suis pas très sympa, mais j’ai les pieds dans la boue, je viens de reprendre une douche et chacun des artistes que j’ai vus en cet après-midi me font regretter mon canapé et mon thé brûlant.

C’est heureusement le moment que choisisse les Radio 4 pour monter sur scène. Ce sont les artisans avec les Strokes de la reconnaissance de la scène rock New Yorkaise. Inspirés par le punk, le reggae et le ska, leurs parents spirituels sont anglais - The Clash - mais leur musique à la classe et le beat de New York. Ils enchaînent anciens et nouveaux morceaux, nous faisant découvrir en avant première leur album à sortir. Ses morceaux sont beaucoup plus accessibles et contribuent à leur accorder les faveurs d’un public qui les connaît encore peu.

Ne faisant plus trop confiance à la programmation, je me convint tout seul que " Mr Vegas, petit prince du dancehall " risque de me faire descendre du nuage sur lequel m’a placé Radio 4. J’évite ainsi une traversée vers la petite scène. Finalement j’ai peut être eu tord car elle aurait pu m’épargner la pitoyable prestation de Melissa Auf Der Maur.

La jolie bassiste de Hole et des Smashing Pumpkins, la charmante duettiste d’Indochine (dont le chanteur n’a pas raté une miette du concert de Daniel Darc la veille) est en faite une chanteuse assez pénible. Les titres s’enchaînent et se ressemblent. Et je finis de me convaincre que Black Rebel Motorcycle Club aurait dû jouer avec une boite à rythme. J’apprendrais quelques jours plus tard qu’ils ont en fait assuré leurs derniers concerts avec un de leur fan à la batterie mais qu’il ne l’avait pas trouvé à temps pour Rock en Seine.

La notoriété croissante d’Archive et la qualité de la prestation de Melissa se mesurent à la foule qui se presse devant la (trop) petite scène. L’ajout de quatre musiciens supplémentaires permet au groupe de retranscrire sur scène toute la puissance de leurs chansons sans jamais ennuyer le spectateur. Ils ont beau avoir signer la BO de Michel Vaillant, la vitesse n’est pas leur fort et ils ne joueront qu’une dizaine de titres en une heure.

Muse a déjà commencé depuis 30 minutes quand j’essaie de rejoindre la grande scène. Au T-Shirtomètre, ils sont de très loin les vrais héros de ce festival. Mais comme la plupart des héros ils ne sont vraiment visibles que sur écran géant, le devant de la scène est inaccessible aux retardataires, c’est le (juste) prix à payer pour voir avoir vu et apprécié la fin du concert d’Archive. Contrairement aux White Stripes la veille, Muse se donne à son public et celui ci apprécie.

Le festival se terminera sur un mystère : qui a été voir Hoggboy ? Ce groupe a du assumer le double handicap de jouer en même temps que Muse et d’être pitoyable sur disque comme sur scène s’ils n’ont pas progressé depuis la route du rock en 2003.

Dimanche 29 août

Non pas d’after à Rock en Seine c’est juste l’heure des bilans. Extrêmement positifs du côté des organisateurs puisque 48000 spectateurs ont répondu présents alors qu’il en fallait 35000 pour amortir le week-end. A environ 60 euros le pass 2 jours et 36 euros la place, ça fait un paquet d’argent. Il devrait donc y avoir une édition 2005, souhaitons qu’elle soit plus cohérente dans sa programmation.



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