Interview réalisée via email. Un grand merci au vieux mad.
Comment est né SBHRR ?
— Le vieux mad : Sorry But Home Recording Records est né un après-midi de 1998 dans mon salon moquettisé.En arrêt-maladie suite à une mésaventure professionnelle survenue face à un animal sauvage (je travaillais à l’époque pour l’Office National des Bois et Jardins) , je passais mon temps à écouter les K7 de petits gars du coin regroupant leurs compositions les plus intimes.La veille, j’avais reçu par la poste une K7 pleine de vie d’un jeune homme romantiquement désabusé : Chris Gontard, qui avait enregistré en une nuit 48 morceaux… Il fallait que je me bouge au plus vite pour que ces talents conjugués soient mis à la disposition du plus grand nombre…Sorry But Home Recording Records était né …
Tu avais une idée directrice, des envies bien précises ou c’est une suite de beaux accidents ?
— L’idée directrice était de prouver que le manque de moyens peut être salutaire lorsque l’on fait de la pop ou du rock.Le temps me donne raison, t’as remarqué à quel point les groupes de pop en France ont du mal à dépasser le stade du premier disque, voire même de la première démo, à quel point les directeurs artistiques ( souvent fan de Zazie ou des Strokes) ont fait perdre leurs âmes à beaucoup de talents en herbe ?!J’ai des noms mais je les garde… En somme, je voulais voir mes apaches ( mes poulains si tu préfères…) au meilleur d’eux-mêmes et revendiquant à 200% le contenu de leurs albums, visuels, vidéos etc .
Comment as-tu vécu ta première référence ?
— Ma première référence a été tout naturellement la K7 dont je t’ai parlé " La dernière tentation de la dernière roue du carrosse " de Chris Gontard mais tout est allé très vite par la suite car j’ai méthodiquement sorti le meilleur des K7 maisons (ce qui comprend une petite dizaine de références…).Très vite j’ai été grisé par le pouvoir d’un visuel de pochettes , de ronds de cd’s et les réseaux de promotion à se faire au fil des années.
C’est toi qui prospectes ou tu " signes " suite à une réception de démo ?
— Nous recevons de plus en plus de démos de groupes ( tout style confondu, la faute au nom du label qui pourrait convenir pour de la musique Goth, Salsa, Merengue, Emocore…) et j’adore ça , j’entends souvent de chouettes choses malheureusement jamais sur la même démo… Je t’avoue que je ne prospecte pas beaucoup ces derniers mois même si par exemple en ce moment j’ai très envie de signer des artistes de pop française mais je ne vois pas venir grand-chose …
Le fonctionnement de SHBHR est artisanal. As-tu tenté de démarcher un distributeur ou cette situation te satisfait elle ?
— Cette situation me convient bien ,j’ai vu trop d’exemples de labels ou de groupes se retrouvant avec des cartons de cd’s non vendus.En plus face au mode de distribution de la musique en France ( Carrefour + Fnac + Alapage…), je préfère rester en marge et que les gens puissent se procurer nos albums lors de nos concerts ou directement sur le net… L’artisanat nous permet de personnaliser au mieux nos produits et ça c’est peut-être un détail pour vous mais pour nous …
Pour bien comprendre pourrais tu nous expliquer le financement et la mise ne place d’un album comme celui de Brother Roger ?
— C’est un processus qui peut être assez long, en gros, Brother Roger nous dit plusieurs mois à l’avance qu’il est en plein enregistrement de nouvelles chansons, à partir de là on ne le lâche plus, on écoute au fur et à mesure puis on songe avec lui à un track list et enfin aux visuels ( pochettes , affiches réalisées pour tous les artistes maisons par Rémy Chante et Sigmund Kowitz)…L’exemple que tu me fais prendre est un peu étrange car Brother Roger a été très indépendant pour son dernier album, mais la succession d’étapes est celle que je t’ai énoncé.
Tu peux nous parler de tes poulains de Citron aux Frères Nubuck en passant par Brother Roger ?
— C’est assez simple, chez Sorry But tu as les glorieux anciens : Citron et Bingo Bill Orchestra qui ont eu leur quart d’heure de gloire bien avant notre rencontre, nous leur devons beaucoup, et même s’ils sont un peu en stand-by depuis quelques mois, des membres de ces groupes continuent d’être actifs au sein de la structure. Après, il y a les jeunes loups aux dents longues : Les Frères Nubuck et Crooner Mic Action, ces groupes commencent à avoir une solide réputation scénique ( tapez leurs noms dans un quelconque moteur de recherche et vous verrez) et arrivent de plus en plus à retranscrire sur disque leurs idées : à savoir , mélanger pop psyché 70’s et rock pour les Nubucks ou mixer Blues, New Rock et Electro pour Crooner Mic Action.Et puis il y a les artisans à l’ancienne : Brother Roger, Rémy Chante ou Cyrz , qui passent beaucoup de temps à la recherche du son , du mot, de la mélodie…Sans cesse persuadés de n’être pas faits pour cela alors que leur talent inonde tout sur leur passage…
Tu réponds quoi à ceux qui voient une ironie perpétuelle dans ton catalogue ? Brothe Roger n’est il pas d’ailleurs un tournant pour les gens à la vue basse ?
— Vu le nombre d’artistes monoexpressifs que l’on nous sert ou ressert à longueur de magazines ou d’émissions, je comprends que l’on soit désarçonné à l’écoute de titres de mes poulains ou en venant voir nos concerts.En gros, tu peux retrouver lors d’un concert des Nubuck, la langueur de Fred Poulet, l’énergie des Wampas, la mélancolie de Pascal Comelade, le mauvais goût de Brigitte Fontaine etc.C’est sûr que si t’es pas équipé pour , tu te caches derrière le sempiternel : " C’est des gueudins ces mecs… ".C’est la même chose pour Crooner Mic Action ou d’autres.Je crois qu’indirectement c’est un critère, être multicarte…sinon c’est dehors, le succès t’attend !!
N’y a-t-il pas des moments de découragement face aux retours minimaux ? D’ailleurs comment procèdes tu pour la promotion des disques, contactes tu la presse spécialisé ou essentiellement les webzines ?
— Je ne serai pas raccord si je te disais que j’étais déçu du manque de retours car vu la promo effectuée je trouve que l’on est pas mal lotis…250 exemplaires par disque tu sais ça part vite…Le bouche à oreille fonctionne très bien en plus…Cependant des choses me mettent en rogne…par exemple, les fausses consultations style CQFD des Inrocks ou concours Le Mouv’ pour réaliser votre rêve…faire un remix de votre groupe préféré, quand ça vient de TF1 ou du comité Miss France j’arrive à l’intégrer mais quand c’est mis en place par des médias qui se disent alternatifs j’ai envie de tout péter…Donc oui, il y a quelques médias que je boycotte mais pas ceux que l’on croit…Je trouve l’approche des Webzines beaucoup plus saines ( pour l’instant…) car moins pourrie par les réseaux et par la pub…
As-tu des liens avec d’autres labels ? si oui lesquels et que t’amène cette relation ?
— Non pas spécialement , sur Grenoble, le label Un Dimanche fait du bon boulot même si pour le coup je trouve leurs signatures assez formatés…Les labels que nous aimions ne sont plus de ce monde : Lithium par exemple…
Plus qu’ailleurs ne penses tu pas que l’union fait la force et qu’une union des micro labels pourrait faire bouger les choses plus rapidement ?
— Oui mais comment ? Et puis c’est quoi un petit label ? La cervelle ,nous ? Tôt ou Tard ? L’union me semble difficile car il y aura toujours un mec un peu plus malin que les autres qui voudra remporter la mise…Tu crois pas ?
Travailles tu seul sur ce label et quelle est ton occupation en dehors du label ?
— J’ai la chance d’être depuis 1998 et cette fameuse blessure en pré-retraite, je bosse essentiellement avec Chris Gontard ( chargé de promotion) et Rémy Chante ( graphisme) mais depuis peu des aides ponctuelles viennent de Sigmund Kowitz ( graphisme, vidéo), Jean-Louis Maybe ( promotion) et Nico La Castagne ( communication Web)…C’est très agréable et petit à petit on devient moins petit…
Il y a une grande importance du visuel que ce soit les pochettes ou le site. C’est indissociable pour marquer les esprits ?
— Pour nous ça l’est et la plupart des groupes tiennent presque autant à leurs visuels qu’à leurs chansons…Notre société fonctionne par slogans coups de poings alors on s’adapte… à notre humble niveau…
Quelle a été la plus grande joie et la plus grande déception depuis la création du label ?
— La première escapade Sorry But en Belgique au mois d’octobre dernier a été vécue de manière très positive par les poulains concernés par cette mini-tournée ( Les Frères Nubuck / Crooner MiC Action / Brother Roger / Cyrz ), un public captif et chaleureux, le bonheur en somme...Une vieille belge sur le coup de 2 heures du mat a même officiellement octroyé à la bande la nationalité belge…La plus grande déception c’est un peu quand l’effet voulu par la structure ou les groupes tombent sous le coup des clichés et raccourcis…Exemple : Les Frères Nubuck sont les rois de la gaudriole, CMA fait du pur rock’n’roll etc…
Grace à l’internet arrives tu as toucher un public autre que la France ?
— Donc la Belgique n’est pas insensible à nos charmes, la Suisse également…Les meilleurs en somme…
Quelle est ta position face aux chambardements du téléchargement ? Que penses tu par exemple de creative common ?
— Nous ne sommes pas de très bons commerçants donc tout le débat autour du droit d’auteur ne nous touche qu’au niveau philosophique pas au niveau du portefeuille…Maintenant les creative commons sont certainement un moyen pour des " petits " de se faire connaître, de mutualiser et d’être juridiquement protégés…A voir…
As-tu un label de référence ?
— Historiquement : Berry Gordy et sa Motown + Stax + Lithium + Setanta + Fiction De nos jours : Chemikal underground + Ici d’ailleurs + City Slang .
Quel est l’avenir de SHBHR ? Comment imagines tu SHBHR dans l’avenir ?
— Un fort recentrage sur notre site internet grâce à un système de mises en ligne gratuites fréquentes de nos anciennes références…Des remix, des vidéos et des inédits …En fait SBHRR va de plus en plus accentuer son côté plateforme fourre-tout où seuls priment les mélodies et l’humilité, les egos resteront au vestiaire…
Le mot de la fin pour le boss ?
— "La classe, c’est une affaire de cœur…" .