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Interview réalisée via email en août 2004.

C’est toujours rageant de voir des groupes dont la carrière est parsemée de petits chefs d’œuvre, rester dans l’anonymat, ou tout du moins ne pas connaître le succès qu’il mérite. C’est un peu le cas de stars of the lid, projet emmené par Brian McBride et Adam Wiltzie. Avec stars of the lid, la vie est triste, la vie est belle, vous vous imaginez en demi apesanteur, survolant les plus beaux paysages qu’on peut trouver sur cette planète… S’il n’est parfois pas tout a fait aisé de rentrer dans cette musique, il suffit de rester attentif quelques instants, pour se laisser porter, pour tomber dans la beauté de stars of the lid. Cela fait plus de huit ans qu’ils ont commencé...Music For Nitrus Oxyde où ils posèrent les bases de leur musique, des nappes de bonheur qui s’accumulent, des notes de tristesse ici ou là…Des atmosphères…Car en fait stars of the lid joue sur les atmosphères, comme personne ne peut le faire et ils peuvent vous faire passer de pleurs de joie, à des pleurs de tristesse…Music For Nitrus Oxyde possède tout ce qui fait le charme d’un premier disque : des imperfections forcement, mais aussi et surtout le charme de la découverte d’une musique, d’un monde dont on était pas forcement habitué…Six ans plus tard le duo sortira le disque de la consécration, The tired sounds of stars of the lid, une consécration tout de même mesurée…Il me restera toujours en mémoire ce fantastique Austin Texas Mental Hospital Part 1, qu’on aurait bien vu comme musique de fin du monde, le moment où les rues désertes, jonchées de papiers de toute sorte, ne disent plus un mot…Alors sûrement ce disque a été mieux accueilli que les précédents du fait de la notoriété croissante de la musique ambient, mais aussi tout simplement parce que c’est l’un des plus beaux disques qu’on ait jamais écouté. Deux cds de pur bonheur, de beauté mélancolique, deux disques qui nous font attendre la pluie avec impatience… Entre temps le groupe aura sorti quatre albums, et un split single magnifique avec leurs amis de labradford. De ces quatre albums on retiendra le magnifique avec laudenum, qui annonça the tired sounds, et le plus expressif mais non sublime ballasted orchestra. De Gravitational Pull Vs. the Desire for an Aquatic Life on retiendra le tube qui apparaîtra sur la compilation collector de kranky, be little with me, une compilation qui nous permis, entre autre, de découvrir Godspeed You ! Black Emperor, Low ou Jessica Bailiff…c’était en 1998… Quelqu’un a dit un jour sur stars of the lid, que leur musique ressemblait à un orchestre jouant sous l’eau…on a jamais eu depuis de meilleure description de cette musique, peut être la plus belle du monde, en tout cas l’une des plus apaisantes, et des plus mélancoliques. Le Texas est bien cette terre promise dont parlait Josh Pearson, et Stars of the Lid est en quelque sorte notre étoile du berger. Stars of the lid est une sorte de bateau, arpentant les mers, et laissant dans son sillage une douce musique qui vous invite à suivre l’embarcation…Adam Wiltzie, membre principal du projet, se livre quelques mois avant la sortie de son projet solo the Dead Texan…Une odyssée vers la beauté en quelque sorte. En vous remerciant.

Comment ça va ?

— Adam Wiltzie : Ca va, je vis à Bruxelles, en Belgique depuis trois ans et demi maintenant.

Cela fait plus de deux ans que ton dernier disque est sorti, quel jugement portes-tu sur celui-ci avec du recul ?

— Je ne sais pas trop quoi te répondre. Faudrait il que je te raconte si je pense que ma musique a ou a pu avoir un impact sur le monde ? En fait je pense que ma musique comporte pas mal de points faibles. J’ai un gros problème avec les musiciens qui ont d’énormes ego, et qui pensent que leur musique est la meilleure. Comment veux tu t’améliorer, si tu penses que tu es le meilleur ?

Je trouve que avec laudenum et the tired sounds vont un peu dans le même sens, comment sera le prochain disque, et comment travaillez vous avec Brian ?

— Je trouve pourtant Avec laudenum et tired sounds très différent. Brian n’a pas vraiment joué sur Avec Laudenum. Il venait de déménager à Chicago et j’ai un peu bâclé le disque. Par contre sur the tired sounds Brian a été fabuleux. J’avais écrit l’intro au piano pour " Piano quieu " et il a fait tout le reste. C’est un de mes morceaux préférés. Le nouveau disque sera plus doux, avec plus d’instruments à cordes, plus acoustique, mais quand tu appuieras sur play tu reconnaîtras de suite que c’est un disque de stars of the lid

Tu as collaboré avec de nombreux artistes, qui sont aussi des amis je suppose, qu’en as tu tiré, quels souvenirs en gardes tu et avec qui aimerais tu travailler ?

— C’est vrai j’ai collaboré avec avec beaucoup de personnes. Je ne sais pas si je peux en ressortir vraiment une du lot. En tant que producteur, je dirai la collaboration avec Bedhead sur " Behaded ". A ce moment de ma vie, je tenais un studio d’enregistrement, mais enregistrer des disques ne me plaisait pas tant que cela. Ca m’a vite lassé. Les frères Kadane étaient à l’apogée de leur musique. Quand ils sont rentrés en studio tout était méticuleusement organisé et il n’y avait aucune improvisation. D’ailleurs, contrairement à ce que l’on peut croire, j’agis un peu de cette manière. J’écris tout au piano ou à la guitare avant d’enregistrer. Les seuls moments où je ne maîtrise pas tout, c’est durant le mixage, quand j’essaye de rapprocher deux pistes musicales qui n’étaient pas sensées se rencontrer. En fait il y a vraiment trop de collaborations pour en choisir seulement une. Le premier disque de Windsor for the derby fut aussi un grand moment.

Music for Nitrous Oxide date maintenant de huit ans...comment vois tu toutes ces années, tous ces disques ? Es tu surpris de la longévité de stars of the lid ?

— Cela fait plus de onze ans que j’ai commencé à enregistrer nitrous, et la seule chose qui me surprend est qu’ils sonnent vraiment mauvais. Mais la longévité ? C’est quelque chose auquel je n’ai jamais pensé. Mais rien que le fait de penser à cela, à la notion de temps, me fait dire que je pense que je suis plus important que ce que je pense être. C’est trop dangereux.

Quel est pour toi le meilleur endroit pour écouter stars of the lid ? Que ressens tu quand tu joues tes morceaux ?

— Il n’y a pas de meilleur endroit. J’ai entendu tellement d’histoires étranges, allant du sexe, des nurseries dans les hôpitaux, des églises, ou à des bâtiments gouvernementaux…Je suppose que plus c’est subversif mieux c’est. Quant à moi-même, il me semble l’avoir dit tant de fois, mais si un morceau n’arrive pas à m faire dormir, alors je ne le conserve pas.

Qu’est ce que tu aimes dans la vie ?

— Au départ quand j’ai déménagé ici, en Belgique, je voulais juste un endroit où personne ne parlait anglais. Ca a fonctionné pendant un moment, mais maintenant que je comprends le français, ça me semble aussi insolant que l’anglais. Mais un jour j’irai vivre sur une île au large des côtes grecques.

Tu arrives à vivre de ta musique ?

— Non pas du tout. Si je souhaitais vivre de ma musique, j’irai droit dans le fossé. Mais assez bizarrement les seules choses qui m’inspirent ne sont pas musicales. Par exemple, allez voir une exposition, ou l’architecture d’une ville comme Bruxelles où il y a de superbes bâtiments. C’est très beau ici, sale, mais beau. Prendre une tasse de café sur ma terrasse est presque suffisant pour remplir ma journée.

Justement pourquoi avoir quitté le Texas pour la Belgique ?

— C’est impossible de comprendre ma réponse sans avoir vécu aux USA. Je suis une personne extrêmement sensible, et je suis très affecté par mon environnement. Pas réellement dans le sens politique, mais plutôt dans mon environnement social. On a tous un petit pincement au cœur quand on parle de l’endroit d’où on vient. Comme si je te demandais de décrire l’endroit d’où tu viens. Tu comprends il n’y a pas d’autres meilleurs endroits, mais ça te suit partout en même temps. J’ai toujours trouvé ça intéressant, quand on s’attaque à moi simplement parce que je suis américain. Ils m’accusent comme si j’étais une part du problème. Si la Belgique avait la même taille que les USA ? Ce ne serait pas forcement mieux.

Considères tu ta musique comme de l’art ? Tu aimes quoi dans l’art ?

— Oui je pense. Récemment j’ai beaucoup réfléchi à propos de deux artistes découverts sur le tard. Peter Paul Rubens et Pablo Picasso. Picasso aurait peint plus de 40 000 toiles dans sa vie, alors que Rubens n’en aurait fait que 400. Et quand j’entends les gens dire que Picasso est un génie, je ne suis pas forcement d’accord. En fait il me fait penser à Lou Reed, qui, je pense, est un crétin. Il a bâclé pas mal de disques. Pour moi Rubens ressemble plus à Mark Hollis. Des années passées à peindre. Et quand tu regardes ces peintures, tu peux vraiment t’imaginer sa souffrance mentale et son angoisse, c’est fantastique. Je trouve que le mot génie est utilisé beaucoup trop souvent.

Tu vas voir des concerts ?

— Presque jamais. Je vais voir de temps en temps des concerts de musique classique. Et pour ça Bruxelles est une très bonne ville.

Tu aimes monter sur scène ?

— Récemment je ne me suis pas trop amusé. Par exemple, sur la dernière tournée que nous avons fait aux USA en 2002, nous avons joué 27 concerts et je n’en ai apprécié que seulement deux. C’était deux concerts au Canada en plus. Je ne sais pas si c’était le fait d’être aux USA ou si c’était seulement ma musique. Mais je me suis fait une promesse : si je repars en tournée, je dois absolument trouver un moyen de m’éclater sur scène. J’ai peur de devenir un monstre triste.

Dernière question, ton top ten ?

— Je préfère des morceaux en ce moment, depuis que j’ai mon ipod : 1) francis lai -theme pour catherine 2) enio morricone- the invisible woman 3) harold budd -la belle vista 4) michael nyman- the claim 5) alberto iglesias - hable con elle 6) john tavener- song for athene 7) gerard manset- il voyage en solitaire 8) roger eno- fleeting smile 9) michel delpech- chez laurette 10)zbigniew priesner- dekalog .



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