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Interview réalisée entre octobre et novembre 2005

Pourquoi ce nom : "Half asleep ? Y-a-t-il une histoire particulière derrière ce pseudonyme ?

— Non, pas d’histoire particulière, c’est juste l’état-bordure qu’il implique qui est intéressant. Bon, c’est aussi un nom à claques, je m’en suis rendue compte bien assez tôt (rire).

Comment as-tu commencé la musique ? As-tu bénéficié d’un environnement favorable ?

— Vers 7 ans j’ai demandé à mes parents un tout petit synthétiseur. Tout ce que je voulais, c’était un jouet, et ils m’ont offert un vrai instrument, avec des cours de musique en prime. Ce n’était pas bête de leur part, ils ont toujours encouragé les entreprises artistiques de leurs enfants. Même si eux-mêmes ne sont pas - ou à peine - musiciens, il y a quelques tempéraments artistes et mélomanes dans ma famille. Environnement assez favorable donc, oui oui.

As-tu eu l’impression de galérer pour te faire connaître ?

— Pas vraiment non. J’ai enregistré un premier album démo chez moi et puis je l’ai envoyé à quelqu’un qui l’a renvoyé lui-même à quelqu’un qui l’a envoyé à quelqu’un, etc… je n’ai pas eu à chercher de labels, ce sont les gens qui sont venus vers moi, ce n’était pas les plus grands labels du monde bien sûr, mais ça m’allait très bien. C’est très symptomatique de ma façon d’évoluer : je n’ai pas vraiment de but précis, ni de plan de carrière, je prends ce qui vient. De mon propre chef il y a des démarches que je n’aurais pas faites, je suis très sceptique et couarde en général, ce sont des rencontres avec d’autres qui m’ont poussée, qui m’ont fait avancer.

As-tu des influences majeures, des gens qui t’ont donné ou te donnent toujours envie de faire de la musique ?

— Des figures vraiment marquantes ? Voyons… j’ai eu tellement de périodes différentes, je t’épargne mon adolescence rock pas terrible. Alors vers 17, 18 ans, y’a eu Low, Cat Power, eux m’ont beaucoup marquée, c’est sûr, et ils ont constitué une sorte de déclic pour moi, parce qu’ils étaient les premiers artistes que je découvrais - avec songs :ohia, cynthia dall, smog des trucs comme ça - qui n’auraient pas été rebutés à l’idée d’enregistrer un disque dans leur cuisine, ça vous démystifie la musique ça, ça la rend à votre portée, c’était important. Dans un autre style, je pense à Rodan, un de mes groupes (morts) préférés, même s’il n’a sorti qu’un seul disque. Aujourd’hui, après avoir un peu mieux fouillé un passé musical que je ne connaissais pas bien, Nico et les Supreme Dicks sont les deux noms importants qui me viennent spontanément en tête, pour l’instant j’ai besoin d’avoir constamment leurs albums près de moi. La découverte de quelques voix jazz incroyables (Jeanne Lee, Julie London, Billie Holliday) et de nombreux artistes " folk " des années ’60/’70 m’a aussi beaucoup secouée ces dernières années. En fait, tout ce que j’écoute me donne envie de faire de la musique. .

De quels artistes français et/ou étrangers te sens-tu proche ?

— Mais les artistes français sont des artistes étrangers pour moi (rire)... Ta question se situe-t-elle sur le plan musical ? Je ne sais pas trop, c’est toujours difficile de se comparer aux autres, on n’a tellement peu de recul par rapport à ce qu’on fait. J’aurais tendance à me sentir proche de personnes que je connais, ou que j’ai vues " opérer ", et dont la démarche me semble si pas similaire du moins parallèle à la mienne, que ce soit certains artistes d’another record, d’unique records, de la scène Belge ou d’autres encore. Sinon, en ce qui concerne l’étranger " lointain ", je trouve fascinante cette nouvelle scène folk plus ou moins weirdo, je pense aux productions de labels tels que BlueSanct, Fonal, Camera Obscura, Secret Eye, etc, leur démarche et inventivité me parlent beaucoup.

Tu joues de plusieurs instruments. Sur lequel te sens-tu le plus à l’aise ?

— Le piano. Mais mon jeu de guitare s’améliore petit à petit, ce qui ne m’empêche pas d’être absolument incapable de tenir un concert entier sans faire de fausses notes

Comment as-tu rencontré l’équipe d’Another Record qui a sorti ton premier album " palms and plums " en 2003 ?

— Delphine (qui fait aussi de la musique, sous son presque-nom : delphine dora) est la toute première personne d’another-record que j’ai rencontrée, d’ailleurs à l’époque l’équipe du label ne comptait que deux membres. Au début on s’écrivait des mails et on s’envoyait des disques par la poste, c’était juste des échanges musicaux entre passionnées. Ensuite elle m’a parlé d’another-record et moi je lui ai parlé d’half asleep. Peu après je lui ai envoyé une démo, et puis et puis ben… tu connais la suite.

Comment as-tu rencontré l’équipe d’Unique records qui sort ton troisième album " " We are now) seated in profile " ?

— Je suis entrée en contact avec Gérald, le " big boss " de Unique records, via Gilles Deles, avec qui j’ai enregistré l’album et qui lui-même est un musicien affilié au label. Si on veut remonter encore plus loin dans le temps, j’ai rencontré Gilles lors de la mini session d’enregistrement de l’album de Dana Hilliot I was a rabbit and I won. Et j’ai rencontré Vincent (aka Dana Hilliot) via Delphine puisqu’il était le deuxième membre fondateur d’another record. Et la boucle est bouclée. Quoi que ça ne fait pas vraiment une boucle…

D’ailleurs que signifie le nom de l’album ?

— J’ai eu l’idée du titre en lisant une pièce de théâtre. Dans les didascalies était écrit à un moment que tel et tel personnages (ils étaient deux) devaient pour telle scène être " seated in profile ". J’aimais bien cette image simple, et le fait qu’un profil ne soit pas une face, et qu’une face - tout comme un profil - ne soit qu’une seule façon de voir une personne. Et puis se montrer de profil, ce n’est pas encore se révéler totalement. Enfin bref, pardon, ce n’était pas si théorique dans ma tête…

Dans quel état d’esprit as-tu composé et enregistré ce nouvel album ?

— Ah je crois que quand on écrit et qu’on enregistre un album on passe toujours pas tous les états d’esprit, non ? Sans doute la mélancolie ou un état bizarre d’introspection lors de l’écriture ou de l’interprétation, la joie quand un morceau est écrit ou enregistré, la colère voir le désespoir quand les choses ne vont pas comme on veut, et puis une fois que tout est terminé, le soulagement bien sûr, souvent accompagné d’une pointe de frustration parce que l’on n’est toujours pas parvenu à faire le disque qu’on aurait rêvé de faire (ben non).

Les titres de tes chansons sont souvent métaphoriques/allégoriques ? Racontes-tu des histoires ou préfères-tu favoriser l’imagination des auditeurs ?

— Métaphoriques ? mmm… je n’y avais jamais vraiment pensé, sans doute qu’ils le sont, oui. Pour moi, trouver les titres des chansons est la partie la plus ludique du " processus de création ". Enfin surtout quand un titre vient facilement, il suffit que les mots sonnent bien, s’associent de manière intéressante ou renvoient à une image attachante, ce n’est pas très réfléchi en général, parfois le titre n’a même pas de rapport direct avec le texte de la chanson, ça n’a pas d’importance. Le problème c’est quand un titre ne vient pas, alors ça peut devenir assez obsessionnel (rire). Sinon, pour répondre à la sous-question, non, je ne raconte pas vraiment d’histoire, je crois que ma façon d’écrire est plutôt fractionnée, quand je n’écris pas n’importe quoi, j’aime bien l’idée qu’il ne faille pas vraiment être attentif au texte pour comprendre la chanson, pour moi on peut se contenter de saisir ça et là quelques phrases ou images qui nous plaisent (ou ne nous plaisent pas) et se recréer son propre film.

Quelle place occupe la scène dans ta vie de musicienne ? Est-ce plus important que le studio ?

— La scène est importante, on dit souvent que c’est la finalité du travail de musicien, enfin je me souviens avoir lu ça dans certaines interviews de groupes américains (le fait qu’ils soient américains n’a d’ailleurs aucune importance). Aujourd’hui je comprends ce que ça veut dire. Enregistrer un disque, c’est une expérience forte, mais ça peut aussi être long, stressant, solitaire. Faire un disque, c’est comme un processus fragmenté, ça signifie jouer de la musique, l’enregistrer, puis l’assembler, la cristalliser, puis la diffuser, et attendre ensuite les réactions des gens. Toutes ces étapes sont simultanées lors d’un concert, la musique tout comme la réaction du public est immédiate. En fait, si on considère que la finalité de la musique est de rencontrer des oreilles prêtes à l’absorber, alors donner un concert est un acte beaucoup plus sensé que celui d’enregistrer un disque, non ? C’est comme ces vieux bluesmen qui donnaient des milliards de petits concerts et n’enregistraient qu’un seul disque sur toute leur carrière. Ceci dit, la scène c’est encore difficile pour moi, parfois je préfère être peinarde à la maison, à enregistrer au calme, sans être jugée sur le tas, libre de me planter autant de fois que je le désire (rire).

Quel est ton sentiment sur l’évolution des choses, les sorties presque simultanées de la réédition de ton premier album et du nouveau, etc… ?

— Mon sentiment est .. euh … que les choses vont vite. Sans doute qu’elles ne vont pas vraiment vite, c’est moi plutôt qui suis lente. Je suis contente de la tournure que prennent les évènements, un peu effrayée aussi, curieuse. C’est vrai qu’assumer deux sorties parallèles, c’est un peu bizarre, je jongle avec de nouveaux et d’anciens morceaux, je parle d’un disque et la fois d’après j’en défends un autre, il ne faut pas s’emmêler les pinceaux.

Quels sont tes projets, envies ? Un scoop ?

— Là je suis déjà en train de penser au prochain album, j’ai plein d’idées mais il est trop tôt pour en parler. Sinon voyons… Je suppose qu’il y aura encore des concerts, peut-être dans un futur plus lointain la sortie de quelques titres supplémentaires issus de la session d’enregistrement de seated in profile, après il va falloir que je me calme au niveau des sorties. Pour le scoop qu’est-ce que tu veux ? Une confession ? J’avoue parfois ne pas faire correspondre ma chaussette droite avec ma chaussette gauche, c’est quand je suis très très pressée le matin.

Un dernier mot ?

— Oui .